Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/345

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pays, de votre parenté (Gen. 12,4), il quitta patrie, demeure, amis, parents : l’ordre de Dieu fut tout pour lui. Et nous aussi, sachez-le bien, nous admirons cette obéissance. Mais qui pourrait se comparer à Paul ? Ce n’est pas seulement sa patrie, et sa demeure, et ses parents qu’il abandonna, mais le monde lui-même pour Jésus ; bien plus, il dédaigna le ciel même, et le ciel du ciel, et il ne recherchait qu’une seule chose, l’amour de Jésus. Entendez-le lui-même qui vous le montre, qui vous le dit : Ni les choses présentes, ni les choses à venir, ni ce qu’il y a de plus haut, ni ce qu’il y a de plus profond ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu. (Rom. 8,38, 39) Abraham, dira-t-on, se précipitant dans les dangers, arracha son neveu aux ennemis !
Mais Paul ne sauva pas seulement son neveu, ni trois et cinq villes, mais la terre tout entière, et il ne l’arracha pas aux barbares, mais aux démons mêmes, affrontant chaque jour des dangers sans nombre, et, au prix de ses morts particulières, procurant aux autres une sûreté entière. Mais la perfection de la vertu, la couronne de la sagesse est à celui qui a sacrifié son fils ? Eh bien ! ici encore, nous trouverons que le premier rang appartient à Paul, car ce n’est pas son fils, c’est lui-même qu’il a plus, de mille fois sacrifié, comme je viens déjà de le dire. Qu’admire-t-on dans Isaac ? Entre beaucoup de vertus, sa patience : il creusait des puits, on le chassait de ses possessions (Gen. 26,15, 18, 20, 22), il ne résistait pas ; à mesure qu’on remplissait les puits, il passait dans un autre lieu ; il ne se précipitait pas, avec tous les siens, sur ceux qui le tourmentaient : il se retirait, il abandonnait partout les terres qui étaient à lui, pour satisfaire la cupidité de ses ennemis. Mais Paul ne vit pas seulement des puits, mais son propre corps recouvert de pierres amoncelées ; ii ne se retirait pas comme Isaac ; il allait à ceux qui le lapidaient, il voulait, à toute force, les enlever au ciel avec lui. Plus cette source de grâce était obstruée, plus vive elle jaillissait, plus elle versait de ces eaux qui donnent la patience. Mais son fils, mais Jacob est admiré pour sa force d’âme dans l’Écriture ? Eh ! quelle âme de diamant pourrait égaler la patience de Paul ? Ce n’est pas un esclavage de quatorze ans, mais égal à la durée de sa vie entière, qu’il endura pour l’épouse du Christ : il ne fut pas brûlé seulement par la chaleur du jour, par la glace de la nuit, mais il endura mille fois les neiges, les pluies, les grêles de la tribulation, un jour les coups de fouet, un jour les pierres tombant sur tous ses membres, un autre jour encore les bêtes féroces qu’il fallait combattre, une autre fois les flots ; et nuit et jour, la faim, le froid ; et partout, au prix de mille combats, il arrachait (2Cor. 11,23-33) les brebis à la gueule du démon. Mais Joseph fut la pureté même ! J’aurais peur du ridicule, si je célébrais par là celui qui se crucifia lui-même pour le monde (Gal. VI, 14), et qui ne regardait pas seulement ce que les corps ont de séduisant, mais toutes les choses humaines du même œil que nous voyons la poussière et la cendre ; qui était comme un mort insensible en présence d’un mort. Exact, attentif à réprimer tous les bonds de la nature vicieuse, jamais il n’éprouva, en quelque circonstance que ce fût, une seule de ces défaillances auxquelles est si sujette la fragilité humaine.
Job frappe tous les hommes d’admiration ? C’est avec raison qu’on admire ce grand athlète, comparable à Paul par la patience, par la pureté de sa vie, par le témoignage qu’il rendit à Dieu, par la bravoure qu’il déploya dans des luttes fameuses, par l’admirable victoire qui couronna ces combats. Mais les combats de Paul ne durèrent pas seulement plusieurs mois, ils durèrent un nombre d’années ; il n’essuyait pas avec des tessons l’humeur qui sortait corrompue de ses membres, il ne restait pas étendu sur le fumier, mais il s’attaquait à la gueule du lion spirituel, et mille et mille fois luttant contre les tentations, il était plus solide qu’un roc ; ce ne furent pas seulement trois amis, ou quatre, mais tous qui l’insultèrent, infidèles et faux frères, le conspuant, l’outrageant. Mais l’hospitalité de Job était magnifique ainsi que son souci des pauvres ? Nous nous garderons bien de le nier, mais nous trouverons tout cela aussi inférieur aux vertus de Paul, que le corps est au-dessous de l’âme. Ce que Job faisait pour les corps infirmes, Paul le pratiquait pour les âmes malades, redressant tous les esprits boiteux, revêtant les pauvres intelligences nues de la robe de la sagesse. Et, à ne considérer que les bienfaits mêmes qui s’adressent aux corps, Paul avait toute la supériorité qui élève l’affamé et le pauvre secourant l’indigence, au-dessus du riche qui donne de son superflu ; la demeure de Job était ouverte