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pensées concevaient les puissances qui n’ont pas de corps, notre bassesse nous paraissait plus évidente ; c’était là l’effet de la comparaison (lue nous faisions de nous avec les puissances d’en haut ; mais maintenant, quand nous voudrons nous convaincre de notre noblesse, nous élèverons nos regards jusqu’au ciel ; plus haut, jusqu’au trône royal, car c’est là que siègent nos prémices. C’est de là que viendra le Fils de Dieu, descendant du ciel, pour nous juger. Apprêtons-nous donc, afin de ne pas déchoir de cette gloire. Car il n’en faut pas douter, il viendra, et il ne se fera pas attendre celui qui est notre commun Maître ; il viendra, escorté de ses bataillons, de ses légions d’anges, de ses troupes d’archanges, de ses compagnies de martyrs, de ses chœurs de justes, de ses tribus de prophètes et d’apôtres, et au milieu de ces armées spirituelles il apparaîtra, lui, le roi, resplendissant d’une gloire ineffable, qu’aucune parole ne saurait exprimer.
6. Donc faisons tout ce qu’il faut faire pour ne pas déchoir d’une telle gloire. Voulez-vous que je vous dise aussi des pensées qui inspirent l’épouvante ? Je ne veux pas vous attrister, mais il faut que je vous établisse dans le droit chemin. Alors un fleuve de feu jaillit devant ce tribunal de Dieu (Dan. 7,10) ; alors des livres s’ouvrent ; le jugement a lieu, terrible, plein d’épouvante. C’est un jugement où l’on rappelle, où on lit toutes les actions de notre vie, et les prophètes parlent souvent des livres où se fera cette lecture. Ainsi Moïse dit : Si vous leur remettez leur péché, remettez : si non, effacez-moi aussi du livre que vous avez écrit (Ex. 32,31, 32) ; et le Christ disait aussi à ses disciples : Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits impurs vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel (Lc. 10,20) ; et David, de son côté : Dans votre livre, tous seront, écrits, les jours y seront formés, et personne dans ces livres… (Ps. 138,16) Autre passage encore : Qu’ils soient effacés du livre des vivants, et ne soient pas inscrits avec les justes. (Ps. 68,28) Voyez-vous comme les uns sont effacés, les autres, inscrits ? Voulez-vous avoir la preuve que les justes ne sont pas seuls inscrits dans ces livres du jugement, mais que nos péchés aussi sont inscrits là ? C’est aujourd’hui jour de fête, apprenons les œuvres par lesquelles nous pouvons nous préserver du châtiment. Discours terrible, mais utile et profitable, s’il nous préserve de l’expérience et de la réalité des supplices ; apprenons donc que les péchés sont inscrits, que tout ce que nous aurons dit ici-bas, se trouve aussitôt porté là-haut et s’inscrit. Comment en ferons-nous la preuve ? car il ne suffit pas en si grave matière d’une pure affirmation. Michée dit aux Juifs : Malheur à vous qui provoquez le Seigneur. Et comment, disent-ils, l’avons-nous provoqué ? En disant Tout homme qui fait le mal, est bon en présence du Seigneur (Michée, par erreur : Mal. 2,17) ; paroles de méchants serviteurs ; ils disaient, et ces personnes sont agréables au Seigneur ; ils entendaient par ces personnes des hommes perdus qui ne s’assujettissent pas à la loi de Dieu. Voici que nous avons gardé ses commandements, et nous célébrons le bonheur des autres[1]. (Mal. 3,14, 1.5) Ce qui veut dire, tous les jours nous servons, et le bonheur est pour les autres. On entend souvent les serviteurs parler ainsi de leurs maîtres ; mais qu’un homme en parlant d’un homme tienne ce langage, il n’y a pas là un si grand mal, quoique pourtant il y ait du mal ; mais parler ainsi au sujet du souverain Maître du monde, du Dieu de miséricorde et de bonté, voilà ce qui mérite toute espèce de châtiment, et les derniers supplices. Eh bien ! sachez que de telles paroles sont inscrites, écoutez ce que dit le prophète : Voici que toutes ces paroles ont été écrites dans le livre des vivants pour servir à Dieu de monument en sa présence[2]. (Ibid verset 16) Ces paroles sont écrites, non que Dieu tienne à se rappeler le jour, ni à fournir une preuve à l’appui de l’accusation, le tout consigné dans le livre. Peut-être ai-je épouvanté vos esprits ; non les vôtres seulement, mais le mien tout d’abord : Eh bien ! je veux mettre un terme à ce discours, ou plutôt à nos terreurs ; je ne veux pas les dissiper, mais les calmer ; qu’elles demeurent en nous pour purifier nos

  1. Le saint orateur, après avoir nommé Michée an lieu de Malachie, fait encore ici une espèce de confusion, en ce sens qu’il exprime plutôt la pensée qu’il ne reproduit le texte de Malachie, 3,14-15.
  2. Il est, très important de reproduire ici la traduction du passage de Malachie, auquel le saint orateur fait une allusion qui en change la pensée. \ft Mais ceux qui craignent le Seigneur ont tenu dans leurs entretiens un autre langage : aussi le Seigneur s’est rendu attentif à leurs paroles : il les a écoutés, et il a fait écrire un livre qui doit lui servir de monument en faveur de ceux qui craignent le Seigneur, et qui s’occupent de la grandeur de son nom. (Malachie, in, 16, traduct de Lemaîstre de Sacy) Les paroles que saint Jean Chrysostome ajoute, après sa citation, semblent montrer qu’il se doute que sa mémoire lui fait défaut.