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monte à l’autel, ou qu’il s’entretient avec vous, ou qu’il prie pour vous, vous faites entendre cette parole ; mais encore quand il se tient auprès de cette table sainte, quand il est sur le point d’offrir ce sacrifice redoutable, c’est ce que savent bien les initiés ; il ne touche pas les offrandes, avant d’avoir imploré pour vous la grâce du Seigneur, avant que vous lui ayez répondu : Et avec votre esprit, cette réponse même vous rappelant que celui qui est là ne fait rien par lui-même, que les dons qu’on attend ne sont nullement des ouvrages de l’homme ; que c’est la grâce présente de l’Esprit, descendue sur tout, qui accomplit seule ce sacrifice mystique. Sans doute il y a là un homme qui est présent, mais c’est Dieu qui agit au moyen de lui. Donc ne vous attachez pas à ce qui frappe vos yeux, mais concevez la grâce invisible. Il n’y a rien qui vienne de l’homme dans toutes les choses qui s’accomplissent au sanctuaire. Si l’Esprit n’était pas présent, l’Église ne formerait pas un tout bien consistant ; la consistance de l’Église manifeste la présence de l’Esprit.
Mais pourquoi donc, me dira-t-on, n’y a-t-il plus aujourd’hui de signes miraculeux ? Ici, accordez-moi toute votre attention ; car un grand nombre de personnes me font cette question et la répètent sans cesse ; pourquoi le don des langues était-il accordé autrefois aux baptisés, pourquoi ne l’ont-ils plus aujourd’hui ? Comprenons bien d’abord ce que c’était que le don des langues, et nous expliquerons ensuite ce qui arrive. Qu’est-ce donc que le don des langues ? Le nouveau baptisé parlait aussitôt la langue des Indiens, des Égyptiens, des Perses, des Scythes, des Thraces, et un seul homme devenait capable de se faire entendre en beaucoup de langues, et si nos baptisés d’aujourd’hui l’avaient été en ces temps-là, vous les auriez tout de suite entendus parler des langues différentes. Car Paul trouva, dit-il, quelques disciples qui avaient reçu le baptême de Jean, et il leur dit : Avez-vous reçu le Saint-Esprit depuis que vous avez embrassé la foi ? Ils lui répondirent : Nous n’avons pas seulement entendu dire qu’il y ait un Saint-Esprit. (Act. 19,2-6) Et aussitôt, il les fit baptiser : Et après que Paul leur eut imposé les mains, le Saint-Esprit descendit sur eux, et ils parlaient diverses langues. Pourquoi donc cette grâce a-t-elle disparu, n’est-elle plus accordée aux hommes d’aujourd’hui ? Ce n’est pas que Dieu nous fasse outrage, au contraire c’est qu’il a grande estime de nous. Comment cela ? je vais le dire. Les hommes d’alors étaient d’un esprit grossier, à peine affranchis du culte des idoles ; leur intelligence était épaisse et engourdie ; ils n’étaient frappés de saisissement, d’admiration que pour les choses corporelles ; impossible à eux de comprendre des biens qui n’ont pas de corps ; ils ne pouvaient concevoir la grâce spirituelle, visible seulement aux yeux de la foi ; voilà pourquoi il y avait des signes. C’est qu’en effet, parmi les grâces spirituelles, les unes sont invisibles, la foi seule peut les comprendre ; les autres sont accompagnées d’un signe sensible, pour convaincre les infidèles. Exemple : la rémission des péchés, affaire spirituelle, grâce invisible : car comment nos péchés sont-ils dissipés de manière à purger notre âme, c’est ce que nous ne voyons pas des yeux de la chair. Pourquoi ? c’est que c’est l’âme qui est purifiée ; or l’âme n’est pas visible aux yeux du corps. Donc la purification des péchés est un présent spirituel, qui ne peut être sensible aux yeux du corps ; mais le don des langues est aussi un effet de l’opération spirituelle de l’Esprit ; et, en même temps, cette opération est accompagnée d’un signe sensible, que les infidèles mêmes peuvent apercevoir. Quand l’opération a lieu dans l’âme, je dis l’opération invisible, la langue que l’on entend au-dehors, en est la manifestation et la preuve. De là ce que dit Paul : A chacun la manifestation de l’Esprit a été donnée pour l’utilité. (1Cor. 12,7) Donc aujourd’hui, moi du moins, je n’ai pas besoin de signes. Pourquoi ? C’est que j’ai appris à avoir foi dans le Seigneur, indépendamment de tout signe. L’infidèle a besoin de garantie ; mais moi qui suis un fidèle, je n’ai besoin ni de garantie ni de signe ; bien que je ne parle pas une langue miraculeusement, je sais que j’ai été purifié de mes péchés. Les hommes d’alors n’auraient pas cru, s’ils n’avaient pas reçu un signe ; voilà pourquoi des signes leur furent donnés comme garantie de la foi qu’on leur demandait. Pour prouver que ce n’était pas aux fidèles, mais aux infidèles que des signes étaient donnés, afin de les rendre fidèles, Paul dit : Les signes ne sont pas pour ceux qui croient, mais pour ceux qui ne croient pas. (1Cor. 14,22) Comprenez-vous que Dieu ne nous fait pas outrage, que c’est, au contraire, par estime pour nous, qu’il a supprimé la manifestation des signes ? Il a voulu montrer que