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point de notre état précédent, puisque la grâce a surabondé où avait abondé le péché. (Rom. 5,20) Vous voyez comme nous sommes devenus plus déraisonnables que les bêtes de charges ; apprenez que nous le sommes devenus même plus que les oiseaux de l’air : La tourterelle, l’hirondelle, les passereaux des champs, ont connu le temps de leur arrivée, et mon peuple n’a point connu mes jugements. (Jer. 8,7) Nous sommes donc plus déraisonnables et plus stupides que le bœuf, que le mulet, que les oiseaux de l’air, l’hirondelle et la tourterelle. Voulez-vous apprendre, d’ailleurs, combien peu nous avons de raison ? l’Écriture nous envoie à l’école de la fourmi ; tant nous avons perdu notre sens naturel ! Allez, nous dit-elle, à la fourmi, et tâchez d’imiter sa prévoyance. (Prov. 6,6) Nous sommes devenus les disciples d’un vil insecte, nous qui sommes faits à l’image du Très-Haut. Mais ce n’est pas au Créateur que nous devons nous en prendre, c’est à nous-mêmes qui n’avons pas su conserver notre ressemblance divine. Et que parlé-je de la fourmi ? nous sommes même devenus plus insensibles que les pierres, et je vais apporter en témoignage ces paroles d’un prophète : Écoutez, dit-il, écoutez, vallons et fondements de la terre, parce que le Seigneur va juger son peuple. (Mic. 6,2) Quoi donc ! vous allez juger les hommes, et vous invoquez les fondements de la terre ! Oui, sans doute, puisque les hommes sont plus insensibles que les fondements de la terre. Cherchez-vous encore des traits plus frappants de toute notre perversité, lorsque nous sommes plus stupides que le mulet, plus déraisonnables que le bœuf, plus ignorants que la tourterelle et l’hirondelle, plus imprudents que la fourmi, plus insensibles que la pierre ? nous sommes même devenus semblables aux serpents. Leur fureur, dit l’Écriture, ressemble à celle du serpent ; le venin des aspics est sous leurs lèvres. (Ps. 57,5 ; 129,4) Et pourquoi parler de la stupidité de la brute, lorsque nous sommes appelés les enfants du démon ? Vous êtes, dit l’Évangile, les enfants du démon. (Jn. 8,44)
4. Nous, cependant, qui étions stupides, dépourvus de sens et de raison, plus insensibles que la pierre, nous qui étions vils et dégradés, au-dessous de toutes les créatures… comment m’exprimerai-je ? comment rendrai-je ma pensée ? notre nature qui était avilie et au-dessous de tous les êtres, par le défaut de raison et de sentiment, s’est élevée aujourd’hui au-dessus de tous. Les anges et les archanges ont vu aujourd’hui ce qu’ils désiraient de voir il y a longtemps : notre nature assise sur le trône du souverain R. resplendissante de gloire et brillante d’une beauté immortelle. C’est là, oui, c’est là le prodige après lequel les anges et les archanges soupiraient depuis tant de siècles. Et quoique nous fussions plus honorés qu’ils ne l’étaient eux-mêmes, cependant ils se réjouissaient de notre élévation, eux qui s’étaient affligés de notre châtiment ; car, lorsque les chérubins gardaient le paradis, ils ne le faisaient qu’à regret. Et de même qu’un esclave, chargé d’enfermer un de ses compagnons, le garde en prison par l’ordre de son maître, mais se sent touché du malheur de celui dont il partage la servitude : ainsi les chérubins, chargés de garder le paradis, remplissaient à regret ce ministère. Je vais prouver, par l’exemple des hommes, la peine qu’ils devaient ressentir. Lorsque vous voyez des hommes compatir aux maux de leurs semblables, pourriez-vous douter encore des sentiments des chérubins, de ces êtres supérieurs, qui sont beaucoup plus charitables que les hommes ? Qui des justes ne s’est pas affligé, lorsque les hommes étaient punis justement, après avoir commis une infinité de péchés ? car, mes frères, ce qu’il y a de plus surprenant, c’est qu’ils ont témoigné leur sensibilité pour des serviteurs dont ils connaissaient les fautes, et qu’ils savaient avoir offensé grièvement leur Maître. Moïse, après l’idolâtrie du peuple, pénétré de tristesse, disait : Si vous leur pardonnez leur faute, laissez-moi vivre : si vous ne leur pardonnez pas, effacez-moi du livre que vous avez écrit. (Ex. 32,32) Quoi donc ? vous voyez leur impiété, et vous vous affligez de ce qu’ils sont punis ! Oui, je m’afflige de cela même qu’ils sont punis, et qu’ils ont donné sujet à un juste châtiment. Ézéchiel voyant l’ange qui frappait le peuple, s’écriait d’une voix lamentable : Hélas ! Seigneur, allez-vous exterminer les restes d’Israël ? (Ez. 9,8) Corrigez-nous, Seigneur, disait Jérémie, mais que ce soit dans votre justice, et non dans votre fureur, pour que vous ne nous réduisiez pas à un petit nombre. (Jer. 10,24) Comment, je vous prie, Moïse, Ézéchiel, Jérémie, se sont affligés pour leurs frères, et les puissances célestes n’auraient pris aucune part à nos maux ! cela est-il croyable ? Pour vous convaincre que