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bêtes sauvages et les animaux domestiques ; car je me repens d’avoir fait l’homme. (Gen. 6,7) Et afin que vous sachiez que ce n’était pas notre nature qu’il haïssait, mais notre perversité qu’il avait en horreur, après avoir prononcé cette sentence : J’exterminerai de dessus la terre l’homme que j’ai créé, il s’adresse à Noé et lui dit : La fin de tout homme est venue devant moi. (Gen. 6,13) Or, s’il eût haï la nature humaine, il ne se fût jamais expliqué avec un homme. Vous voyez donc que, loin de vouloir exécuter sa menace, le Seigneur se justifie lui-même devant son esclave, qu’il s’entretient avec lui comme avec un ami et un égal, et lui explique les raisons du châtiment sévère qu’il médite, non pour rendre compte à un homme de ses desseins, mais pour qu’avertissant les autres il les rende plus sages.
Mais, comme je le disais, notre race s’était trouvée d’abord dans un état si fâcheux, qu’elle courait même risque d’être exterminée de dessus la terre. Nous, cependant, qui étions jugés indignes de la terre, nous avons été transportés aujourd’hui dans le ciel ; nous qui n’étions pas même dignes de la domination terrestre, nous avons été élevés au royaume céleste, nous avons pris place sur le trône du souverain Roi. Notre nature, à qui les chérubins avaient fermé l’entrée du paradis, est assise aujourd’hui au-dessus des chérubins. Mais comment s’est opéré ce merveilleux prodige ? comment, nous qui avions offensé le Très-Haut, qui étions jugés indignes de la terre, qui étions déchus de la domination terrestre, sommes-nous montés à une si grande élévation ? comment la guerre a-t-elle été terminée ? comment la colère s’est-elle dissipée ? Comment ? Ce qu’il y a d’admirable, c’est que la paix s’est faite, non d’après les sollicitations de ceux qui s’étaient injustement soulevés contre le Seigneur, mais d’après les exhortations du Seigneur lui-même ; qui était justement irrité. Nous remplissons, dit saint Paul, la fonction d’ambassadeur pour Jésus-Christ ; et c’est Dieu lui-même qui vous exhorte par notre bouche. (2Cor. 5,20) Quoi donc ! c’est lui qui a été outragé, et c’est lui qui nous exhorte ! Oui, sans doute, parce qu’il est Dieu, et qu’en conséquence il nous exhorte comme un père tendre. Et voyez ce qui arrive ! c’est le Fils de celui qui nous exhorte, qui devient notre médiateur : ce n’est pas un homme, ni un ange, ni un archange, en un mot aucune créature. Et que fait le Médiateur ? l’office de médiateur. Lorsque deux personnes, animées l’une contre l’autre, refusent de se réconcilier, un tiers survient, qui, se plaçant entre les deux, apaise les deux parties irritées. Et c’est ce qu’a fait Jésus-Christ. Dieu était animé contre nous ; nous nous étions éloignés de Dieu, de ce Maître plein de bonté : Jésus-Christ, se plaçant entre deux, a réconcilié la créature avec le Créateur. Et comment s’est-il placé entre deux ? il a subi, de la part de son Père, la peine qui nous était due, et a supporté les outrages de la part des hommes. Voulez-vous apprendre comment il a rempli l’une et l’autre fonction ? Jésus-Christ, dit l’Apôtre, nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant pour nous malédiction. (Gal. 3,13) Vous voyez comme il a subi la peine de la part de son Père, voyons comme il a supporté les outrages de la part des hommes : Les outrages de ceux qui étaient soulevés contre vous, dit l’Écriture, sont tombés sur moi. (Ps. 68,10) Vous voyez comme il a dissipé toute inimitié, comme il n’a point cessé de tout faire et de tout souffrir, jusqu’à ce qu’il eût ramené à Dieu, et rendu ami de Dieu l’homme, qui était son ennemi déclaré.
Or, c’est le jour que nous célébrons, qui est le principe de tous ces biens ; c’est en ce jour que Jésus-Christ a remis à son Père les prémices de notre nature dont il s’était chargé. Et comme dans un champ couvert d’une riche moisson, on prend quelques épis, on en compose une gerbe qu’on offre à Dieu, et que par cette légère offrande on attire sa bénédiction sur le champ tout entier : de même Jésus-Christ, par la chair unique dont il s’était revêtu, et par les simples prémices de notre nature, a fait bénir toute notre race. Mais pourquoi n’a-t-il pas offert toute la nature humaine ? c’est que dans les prémices on n’offre pas le tout, mais qu’en offrant une petite partie, on fait bénir le tout par cette modique offrande. Mais, dira-t-on encore, si l’on offrait les prémices, il fallait offrir le premier homme lorsqu’il sortit des mains de Dieu ; car les prémices sont ce qui est produit le premier, ce qui germe le premier. Non, mes frères, les prémices ne consistent pas à offrir le premier fruit s’il est mauvais et corruptible, mais à offrir le meilleur. Or, comme le premier fruit de la nature humaine était sujet au péché, voilà pourquoi on ne l’a pas offert, quoiqu’il