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pour ainsi dire, par l’infection voisine de l’hérésie. Frappé de cet inconvénient, notre sage pasteur, notre maître commun, qui règle tout pour l’édification de l’église, ne souffrit pas longtemps ce dommage causé à son peuple. Que fait-il donc ? Admirez la sagesse de cet ardent zélateur des martyrs de notre foi. Il fait combler les ruisseaux troubles et fétides, et place dans un lieu pur les sources pures des martyrs. Et voyez quelle attention il a montré pour les morts, quelle déférence pour les martyrs, et quels soins pour le peuple. Il a montré son attention pour les morts, en ne remuant pas leurs cendres, mais en les laissant dans le lieu où elles étaient déposées ; sa déférence pour les martyrs, en les délivrant d’un fâcheux voisinage ; ses soins pour le peuple, en ne permettant pas que les fidèles fussent inquiets et embarrassés dans leurs prières. Voilà pourquoi il vous amène ici, afin que le concours soit plus brillant et le spectacle plus magnifique, l’assemblée étant composée non seulement des hommes, mais encore des martyrs, non seulement des martyrs, mais encore des anges ; car les anges sont ici présents, et se joignent aujourd’hui aux martyrs pour embellir la fête. Que si vous voulez voir les martyrs et les anges réunis, ouvrez les yeux de la foi, et vous apercevrez ce spectacle. En effet, si l’air est rempli d’anges, à plus forte raison l’église, et principalement en ce jour consacré à l’Ascension glorieuse de leur Maître. Mais pour preuve que l’air est rempli d’anges, écoutons ce que dit l’Apôtre en exhortant les femmes à se voiler la tête : Les femmes, dit-il, doivent avoir un voile sur la tête à cause des anges. (1Cor. 11,10) Ceux qui étaient renfermés avec les apôtres dans une maison, disaient à la servante Rhodé : C’est l’ange de Pierre. (Act. 12,15) L’ange, dit Jacob, qui m’a protégé dès ma jeunesse. (Gen. 48,16) J’ai vu, dit ailleurs le même. j’ai vu des armées d’anges. (Gen. 32,2) Et pourquoi a-t-il vu des armées d’anges sur la terre ? De même qu’un prince place des troupes dans toutes les villes frontières, pour que ces villes ne soient pas assaillies par les incursions des barbares ; ainsi Dieu qui sait que les démons, ces êtres barbares et féroces, remplissent l’air qui nous environne, et qui voit ces ennemis de la paix toujours prêts à susciter la guerre ; Dieu, dis-je, leur a opposé des armées d’anges qui puissent les réprimer par leur seule vue, et nous ménager sans cesse les avantages de la paix. Et afin que vous appreniez que les anges sont des ministres de paix, écoutez les diacres qui tous les jours dans les prières publiques, répètent ces paroles : Supplier l’ange de paix[1]. Vous voyez que les anges et les martyrs sont ici réunis. Que je plains donc les fidèles qui sont aujourd’hui absents, et que j’applaudis au bonheur de ceux qui sont présents, qui jouissent de cette solennité ! Mais réservons à un autre temps à parler des anges, et occupons-nous à expliquer le sujet de la fête présente.
2. Quelle est donc la fête que nous célébrons ? elle est grande et auguste, mes très-chers frères, elle est au-dessus de toutes les pensées des hommes, et vraiment digne de la munificence de Dieu, qui en est l’auteur. C’est aujourd’hui que Dieu s’est réconcilié avec le genre humain ; c’est aujourd’hui qu’une inimitié ancienne et une longue guerre ont été terminées ; c’est aujourd’hui qu’a été cimentée pour nous cette paix admirable que nous n’aurions jamais espérée. Eh ! qui jamais eût pensé qu’un Dieu dût se réconcilier avec l’homme ? ce n’est pas que le Maître soit dur et cruel, mais c’est que le serviteur est lâche et rebelle. Voulez-vous savoir combien nous avons irrité un Maître plein de douceur et de bonté ; car il faut que vous appreniez le sujet d’une inimitié ancienne, afin que, lorsque vous saurez les honneurs dont nous avons été comblés, quoique ennemis, et la grâce immense que le Seigneur vous a faite, vous ne cessiez de lui rendre des actions de grâces pour la grandeur de ses dons, vous admiriez la miséricorde du Dieu qui nous a honorés, sans attribuer un pareil changement à vos propres mérites ? voulez – vous donc apprendre combien nous avions irrité un Maître bon, doux et miséricordieux, un Maître qui règle tout pour notre salut ? Il avait pris la résolution de détruire entièrement notre race, et il était si irrité contre nous, qu’il voulait nous perdre avec nos femmes, nos enfants, les bêtes sauvages, les animaux domestiques, en un mot, avec toute la terre. Mais si vous voulez, je vais vous rapporter la sentence même prononcée par Dieu contre le genre humain : J’exterminerai, dit le Seigneur, j’exterminerai de dessus la terre, l’homme que j’ai créé, j’exterminerai avec lui les

  1. C’étaient les propres paroles de la liturgie.