Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/256

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans l’atonie, elle retrempe la vigueur des nerfs ; cette coupe-là donne la sobriété, coupe vénérée des anges, redoutée des démons, honorée des hommes, agréable au Seigneur. Entendez-vous ce que dit David de cette coupe spirituelle qu’on vous propose au banquet de ce jour ! Vous avez préparé une table devant moi contre ceux qui me persécutent, vous avez oint ma tête avec une huile, et la coupe qui me vient de vous me remplit comme d’une ivresse excellente. (Ps. 22,5) Pour que ce mot d’ivresse ne vous effraye pas, ne vous fasse pas concevoir que cette coupe ait rien de débilitant, il ajoute, excellente, ce qui veut dire fortifiante. Ivresse d’un genre nouveau, qui produit la force, qui donne la vigueur et la puissance ; c’est qu’elle découle de la source spirituelle ; ce n’est pas le bouleversement des pensées, c’est l’abondance des pensées spirituelles.
2. Enivrons-nous de cette ivresse ; quant à l’autre, tenons-nous-en bien loin ; ne déshonorons pas la fête de ce jour ; car ce n’est pas seulement la fête de la terre, mais aussi la fête du ciel. Aujourd’hui, joie sur la terre ; aujourd’hui, joie dans le ciel ; car si pour un seul pécheur qui se repent, il y a joie sur la terre et dans le ciel, aujourd’hui que la terre entière est arrachée au démon, combien y aura-t-il plus de joie encore dans le ciel ! A cette heure les anges tressaillent d’allégresse, à cette heure la joie inonde les archanges ; à cette heure chérubins et séraphins célèbrent avec nous la fête présente ; ils ne rougissent pas de nous comme de compagnons d’esclavage, mais ils se réjouissent avec nous des biens qui nous sont faits. Car si c’est à nous que le Seigneur a communiqué ses grâces, notre joie, nous la partageons avec eux. Et que parlé-je de compagnons d’esclavage ? Le Seigneur lui-même, leur Seigneur et le nôtre ne rougit pas de faire avec nous la fête. Et à quoi bon dire qu’il ne rougit pas ? J’ai désiré, dit-il, d’un ardent désir, de manger cette pâque avec vous. (Lc. 22,15) S’il a désiré de célébrer la pâque avec nous, il est évident qu’il en est de même pour la résurrection. Donc lorsque les anges se réjouissent avec les archanges, quand le Seigneur qui commande à toutes les puissances célestes, aujourd’hui, avec nous, célèbre la fête, quelle raison de découragement nous resterait encore ?
Qu’aucun pauvre ne baisse le front, parce qu’il est pauvre ; car cette fête est une fête spirituelle ; qu’aucun riche ne se redresse, fier de ses trésors ; car toutes ses richesses ne lui fournissent rien qu’il puisse apporter à cette fête. C’est que, dans les fêtes du siècle, l’abondance des vins, des tables remplies et chargées de mets, l’immodestie, les ris, toute la pompe de Satan, font baisser le front au pauvre, et exaltent le riche ; pourquoi ? Parce que le riche dresse une table magnifique, savoure plus de délices ; au contraire, le pauvre trouve dans sa pauvreté un obstacle qui l’empêche de montrer la même magnificence ; nos fêtes à nous, n’ont rien de pareil ; une seule et même table réunit le riche et le pauvre, et si riche qu’on soit, on ne peut rien ajouter à la table ; et si pauvre qu’on soit, la pauvreté n’empêche en rien de participer aux mets servis pour tous : car c’est la grâce de Dieu qui les offre, et qu’y a-t-il d’étonnant d’y voir admis le riche et le pauvre ? L’empereur même, qui a le diadème au front, qui est revêtu de la pourpre, qui porte en sa main le sceptre de la terre, cet empereur se met, à côté du pauvre, du mendiant, à la même table. Voilà de quelle nature sont les présents du Seigneur ; il ne fait pas acception de dignité ni de rang, pour communiquer sa grâce, il ne considère que la volonté, que la pensée.
Quand vous voyez, dans une église, un pauvre à côté d’un riche, un particulier à côté d’un prince, un homme du peuple à côté d’un homme puissant, celui qui hors de l’église redoute cette puissance, la côtoyant, sans crainte, dans l’intérieur de l’église, méditez cette parole : Alors on verra le loup paître avec les agneaux. (Is. 11,6) Le loup de l’Écriture, c’est le riche ; l’agneau, c’est le pauvre. Et d’où vient que le loup entrera en partage avec l’agneau, comme le riche avec le pauvre ? Faites bien attention. Souvent, le riche et le pauvre sont dans l’église ; arrive l’heure des divins mystères ; on chasse le riche, qui n’est pas initié, et le pauvre est introduit dans les tabernacles célestes, et le riche ne s’indigne pas ; il sait qu’il est étranger aux divins mystères. Voyez, voyez, ô la grâce de Dieu ! Non seulement tous sont également honorés dans l’église à cause de la divine grâce, mais quand le riche et le pauvre se trouvent ensemble, souvent le pauvre l’emporte sur le riche par la piété, et la richesse ne sert de rien à qui n’a pas la piété, et la pauvreté ne cause aucun dommage au fidèle, qui s’approche du sanctuaire avec confiance. Ce que je dis, mes très-chers frères,