Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/246

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. (2Cor. 4,16) Comment cela, je vous prie ? L’âme répudie toute lâcheté, les désirs déréglés s’éteignent ; avarice, vanité, en un mot toutes les pensées qui nous perdent, sont exterminées. Donc, de même que l’âme qui se livre à la paresse et à l’indolence, est la proie facile des affections de ce genre, de même celle qu’exercent sans relâche les luttes de la piété, n’a pas les loisirs d’y penser, les soucis de la lutte l’en préservent. De là ces paroles : Il se renouvelle de jour en jour. Autre consolation maintenant que l’Apôtre adresse encore aux âmes qui s’affligent, qui ne comprennent pas la sagesse ; pour les relever par l’espérance de l’avenir, il leur dit : Car le moment si court et si léger de l’affliction, produit en nous le poids éternel d’une souveraine et incomparable gloire ; car nous ne considérons point les choses visibles, qui n’ont qu’un temps ; mais les choses invisibles, éternelles. (2Cor. 4,17-18) Ces paroles reviennent à ceci : grande utilité, même ici-bas, de l’affliction, qui rend notre âme plus sage et plus prudente, en outre, qui nous ménage d’incalculables biens pour l’avenir ; et ces biens ne seront pas seulement la compensation de nos peines, ils l’emporteront de beaucoup sur nos travaux et pour le nombre et pour l’excellence. Je dis que c’est là le double témoignage de Paul ; il montre, il compare l’excès des dangers, l’inestimable prix des récompenses, et il oppose, à l’instant qui passe, l’éternité ; à la légèreté, le poids réel ; à l’affliction, la gloire. Car l’affliction n’a qu’un instant, dit-il, et elle est légère ; mais le repos (je me trompe, il ne dit pas, le repos, mais la gloire, de beaucoup supérieure au repos), la gloire est éternelle, et sans interruption dans sa grandeur. Quant à ce qu’il entend ici par poids réel, ce n’est pas quelque chose qui fatigue, qui pèse ; il exprime, en se conformant à l’usage du peuple, ce qui est magnifique, d’un grand prix, attendu que d’ordinaire on dit des matières précieuses qu’elles sont d’un grand poids. Ainsi, quand il dit, le poids de la gloire, il veut dire la grandeur de la gloire. Donc, ne te borne pas à considérer, dit-il, que tu es frappé de verges, expulsé, mais calcule aussi et les couronnes, et les récompenses d’une grandeur, d’un éclat si fort au-dessus des choses présentes, ces récompenses sans fin, que rien ne limitera. Mais c’est que, m’objecte celui-ci, les choses présentes, nous les éprouvons, les autres ne sont qu’en espérance ; et les unes sont visibles ; les autres, on ne les voit pas, elles sont dans des hauteurs qui nous échappent ; je réponds, quoiqu’on ne les voie pas, elles sont plus visibles que les choses visibles. Que dis-je, plus visibles ? Toi-même tu peux les voir, mieux que tu ne vois les choses présentes : car celles-ci passent, les autres subsistaient. Aussi l’Apôtre ajoute : Car nous ne considérons point les choses visibles, qui n’ont qu’un temps ; mais les choses invisibles, éternelles. (2Cor. 4,17-18)
5. Mais si tu me dis : Et comment pourrais-je voir l’invisible, et ne pas voir le présent ? Des exemples de la vie ordinaire, si je réussis, vont te démontrer que cette foi est possible. Car en ce monde personne ne s’appliquerait à ces affaires du siècle qui passe, si l’on ne voyait pas l’invisible, avant d’apercevoir le visible. Par exemple : le marchand supporte un grand nombre de tempêtes, et les flots soulevés contre lui, et les naufrages, et d’incalculables fatigues, quant à jouir de ses richesses, il faut d’abord qu’il ait affronté les tempêtes, fait écouler ses marchandises, et qu’il se soit donné beaucoup de peines et de soucis. Les tempêtes d’abord ; la vente des marchandises, après ; et la mer, et les flots sont choses visibles en sortant du port ; mais le profit de la vente, invisible ; car il n’existe qu’en espérance. Cependant, si le marchand ne voyait pas d’abord cette vente invisible, et qui n’est pas une chose présente, qui n’est pas en ses mains, et qui n’existe qu’en espérance, il ne tenterait pas ce présent visible. De même encore, le laboureur attelle ses bœufs, et traîne la charrue, et creuse profondément le sillon, et jette les semences, et tout ce qu’il a, il le dépense, et le froid, et la glace, et les pluies, et tant d’autres épreuves, il supporte tout, et ce n’est qu’après ces fatigues qu’il s’attend à voir ses blés aux riches épis, et sa grange pleine. Voyez-vous, dans cet exemple encore,-la peine d’abord, le salaire ensuite ; le salaire incertain, la peine manifeste et visible ; et celui-là n’est qu’en espérance, l’autre, dans les bras qui la sentent ? Et cependant le laboureur aussi, s’il ne voit pas d’abord la récompense qui ne se manifeste pas, le salaire invisible, qui n’apparaît pas aux yeux du corps, non seulement il n’attellera passes bœufs, il ne traînera pas la charrue, il ne jettera pas les semences, mais il ne fera pas un mouvement hors de chez lui, pour un tel travail. Comment donc ne serait-il pas absurde, lorsque, dans la vie