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fille, et le maître, son serviteur. Ce n’étaient pas seulement les cités, les territoires, mais souvent les familles mêmes qui étaient intérieurement déchirées, bouleversement intérieur plus affreux alors que toute guerre civile. Tous les biens au pillage, la liberté supprimée, la vie même menacée, non par les incursions, par la brutalité des barbares ; ceux mêmes qui se montraient les maîtres du pouvoir, de la souveraineté, étaient, pour les peuples assujettis à leur empire, plus cruels que tous les ennemis. Et c’est ce que saint Paul attestait par ces paroles : Vous avez soutenu de grands combats, diverses afflictions ; d’une part, exposés devant tous aux injures et aux mauvais traitements ; d’autre part, compagnons de ceux qui ont été ainsi tourmentés. Car vous avez compati à mon sort, quand j’étais dans les chaînes, et vous avez vu avec joie le pillage de vos biens. (Héb. 10,32, 34) Et aux Galates, il dit : Sera-ce donc en vain que vous avez tant souffert ? si toutefois ce n’est qu’en vain. (Gal. 3,4) Et à ceux de Thessalonique, à ceux de Philippe, en général à tous ceux à qui écrit l’Apôtre, un grand nombre de paroles semblables sont adressées. Et ce qu’il y avait d’affreux, ce n’était pas seulement la guerre extérieure, en tous lieux à la fois, guerre continuelle ; c’étaient surtout, au sein même des fidèles, des scandales, des querelles, des disputes, des rivalités ; ce que Paul attestait ainsi Combats au-dehors, frayeurs au dedans. (2Cor. 7,5) Et cette guerre intestine était plus affreuse pour les maîtres et pour les disciples. Paul ne redoutait pas tant les machinations des ennemis, que les chutes dans l’intérieur de l’Église, et la violation de ses lois. A Corinthe vivait un infâme libertin, et Paul ne cessa pas, tout le temps que dura cette ignominie, de pleurer sur le malheureux, de se déchirer les entrailles, de pousser d’amers gémissements.
Une troisième cause d’épreuves n’était pas, pour les fidèles, moins féconde en affliction ; c’était la nature même de la route à suivre, pleine de sueurs et de fatigues. Car elle n’était ni commode, ni facile, mais ardue, rude à gravir, demandant une âme zélée pour la sagesse, alerte, toujours vigilante. Aussi le Christ appelait-il cette voie, la voie étroite, escarpée. C’est qu’il n’était pas permis de vivre sans crainte, comme chez les Grecs, dans la honte, dans l’ivresse, dans la sensualité, dans les délices, dans la magnificence ; au contraire, il fallait mettre un frein à ses désirs, maîtriser les passions désordonnées, mépriser les richesses, fouler aux pieds la gloire, s’élever au-dessus de la haine envieuse. Quel effort est nécessaire alors, c’est ce que savent les hommes chaque jour aux prises avec eux-mêmes. Car quel ennemi plus terrible, répondez-moi, qu’une passion effrénée, qui, à chaque instant, comme un chien que la rage possède, s’élance sur nous, trouble tous les instants de notre vie, et force notre âme à se tenir sans relâche en éveil ? Et qu’est-il de plus amèrement triste que la colère ? On trouvait de la douceur à se venger de celui qui avait fait l’injure, mais voici qu’on défendait la vengeance. Que dis-je, la vengeance ? Il fallait faire du bien à ceux qui nous affligent ; bénir ceux qui nous outragent ; ne jamais proférer une parole amère ; et la modération ne devait pas se restreindre à la conduite ; il la fallait encore montrer dans la pensée. Car il ne suffit pas de s’abstenir de toute action immodeste, mais aussi de l’immodestie du simple regard, du plaisir de contempler la beauté des femmes, car une telle contemplation attire les derniers supplices. Ainsi, toutes les guerres du dehors, toutes les frayeurs du dedans, toutes les fatigues des combats où s’acquiert la vertu. Ajoutez un quatrième sujet d’épreuves et de labeurs, l’inexpérience des lutteurs appelés à ces grands combats. Ils n’avaient pas eu de pieux ancêtres pour les préparer, ces hommes que les apôtres avaient la mission d’instruire ; ces disciples nouveaux avaient été élevés dans la mollesse, dans les délices, dans l’ivresse, dans les honteuses habitudes, dans l’intempérance. Circonstance qui ne contribuait pas médiocrement à grandir la difficulté du triomphe ; ni les âges précédents, ni leurs pères, ne leur avaient frayé les voies de la sagesse ; c’était, à cette heure, la première fois qu’ils dépouillaient leurs vêtements pour cette lutte.
3. Donc, en présence de difficultés si grandes, réservées aux combattants, l’Apôtre exhortant les courages, ne cessait pas de publier la résurrection. Et non content de cette pensée, de cette onction fortifiante qui retrempait les athlètes, il y joignait le récit de ses propres douleurs. Avant de retomber dans les discours sur la résurrection, il raconte ce qu’il a souffert, lui aussi ; entendez-le : Toujours pressés, jamais accablés ; traversés, non déconcertés;