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leur part, il ajoute enfin : J’ai désiré d’être séparé de Jésus-Christ, et de devenir anathème pour mes frères, pour mes parents selon la chair, qui sont Israélites. (Rom. 9,3-4)
Voulez-vous voir encore d’autres exemples pareils, pris, non dans le Nouveau, mais dans l’Ancien Testament ; car, ce qu’il y a de plus admirable, c’est que ceux à qui il n’était pas ordonné d’aimer leurs ennemis, mais de donner œil pour mil, dent pour dent, de rendre le mal pour le mal, ceux-là mêmes ont devancé la perfection évangélique ? Écoutez donc ce que dit à Dieu Moïse si souvent outragé par les Juifs : Si vous leur pardonnez, faites-moi grâce à moi-même ; sinon, effacez-moi du livre que vous avez écrit. (Exo. 32,32) Vous voyer, que tous les justes sont prêts à sacrifier leur propre salut pour le salut de leurs frères. Vous n’avez commis aucune faute, dirais-je à Moïse, et vous voulez avoir part à la punition ! ah ! répond-il, c’est que je ne sens pas mon bonheur lorsque je vois les autres dans le malheur. On peut encore citer un autre saint, qui fait une prière semblable ; car je multiplie les exemples, afin que nous soyons excités de plus en plus à nous corriger nous-mêmes, à nous délivrer de cette maladie de l’âme si dangereuse, de ce penchant qui nous porte à souhaiter du mal à nos ennemis. Écoutez le bienheureux David. Dieu étant irrité et ayant envoyé son ange pour punir le peuple, que dit le prince, lorsqu’il voit l’ange faire étinceler son glaive, et se disposer à porter des coups funestes ? C’est moi qui suis le pasteur et qui ai fait le mal ; ceux-ci, qui sont les brebis, qu’ont-ils fait ? que votre bras s’étende sur moi et sur la maison de mon père. (2Sa. 24,17) Vous voyez donc dans ce saint roi la vertu que je vous prêche. Voici encore un saint animé des mêmes sentiments. Le prophète Samuel avait été si fort méprisé, outragé, insulté par les Juifs, que pour le consoler Dieu lui dit : Écoutez, mes frères, écoutez avec attention : C’est moi, lui dit Dieu, et non pas vous qu’ils ont méprisé. (1Sa. 8,7) Et cet homme accablé de mépris, d’injures et d’outrages, que dit-il ? A Dieu ne plaise que je commette la faute de manquer à prier le Seigneur pour vous ! Il regardait comme une faute de ne pas prier pour ses ennemis. A Dieu ne plaise, dit-il, que je commette la faute de manquer à prier pour vous. (1Sa. 12,23) Vous voyez combien tous les justes, marchant sur les traces du Seigneur, se sont montrés jaloux de se signaler dans la vertu à laquelle je vous exhorte. Reprenons les paroles que nous venons de citer : Pardonnez-leur, dit le Fils de Dieu, car ils ne savent ce qu’ils font. Seigneur, s’écriait Étienne, ne leur imputez pas cette faute. J’ai désiré, dit saint Paul, d’être séparé de Jésus-Christ, et de devenir anathème pour mes frères, pour mes parents selon la chair. Si vous leur pardonnez, disait aussi Moïse, faites-moi grâce à moi-même, sinon, effacez-moi du livre que vous avez écrit. Que votre bras, dit David, s’étende sur moi et sur la maison de mon Père. A Dieu ne plaise, dit de même Samuel, que je commette la faute de manquer à prier pour vous !
Lors donc que tous les saints, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament, nous excitent à prier pour nos ennemis, quel pardon obtiendrions-nous par la suite, si nous ne montrions le plus grand empressement pour pratiquer cette vertu ? Ne balançons point, mes frères ; car plus nous avons d’exemples, plus nous serions sévèrement punis, si nous ne les imitions pas. Il est beaucoup plus important de prier pour ses ennemis que pour ses amis ; l’un nous est plus utile que l’autre. Écoutez Jésus-Christ qui dit : Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel sera votre mérite ?, les publicains ne le font-ils pas? (Mat. 5,46) Lors donc que nous prions pour nos amis, nous ne sommes pas meilleurs que les publicains, mais si nous aimons nos ennemis, si nous prions pour nos ennemis, nous devenons semblables à Dieu, autant qu’il est possible à l’homme. Soyez semblables, dit l’Évangile, a votre Père céleste, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. (Mat. 5,45) Puis donc que nous avons de si grands modèles, et dans le Seigneur et dans ses disciples, soyons jaloux de nous distinguer par une vertu dont ils nous ont donné l’exemple, afin que nous soyons jugés dignes de jouir du royaume des cieux, et qu’après avoir purifié notre âme, nous puissions approcher avec confiance de la table sacrée et redoutable, et obtenir les biens qui nous sont promis, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l’honneur et l’empire soient au Père et à l’Esprit-Saint, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Voir aussi le SEPTIÈME DISCOURS. sur la Genèse.