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brillants que le soleil. Jamais obscurcis par les ténèbres, ils ne se cachent pas dans l’obscurité, et ne s’écartent pas de la voie droite. Afin donc que son compagnon ne pût pas lui dire : Il a été condamné par les hommes, pourquoi le défendez-vous ? il le rappelle aux jugements de Dieu, à ce tribunal redoutable et incorruptible, à ce juge que rien ne peut tromper et séduire ; il le fait souvenir des arrêts formidables que ce Juge prononce. Regardez en haut, lui dit-il ; et vous ne condamnerez pas Celui que le ciel absout, et, sans vous arrêter aux jugements humains, vous n’approuverez, vous n’adopterez que les jugements célestes. Est-ce que vous ne craignez pas Dieu? lui dit-il. Vous voyez la sagesse du brigand, vous voyez son intelligence, vous voyez : il instruit son compagnon, et comme de dessus la croix où son corps est attaché, son esprit s’envole dans le ciel. Oui, il remplit déjà la loi apostolique ; peu occupé de lui-même, il ne s’étudie et ne travaille qu’à tirer son frère de l’erreur et à le ramener à la vérité. Après lui avoir dit : Est-ce que vous ne craignez pas Dieu ? il ajoute : Nous subissons la même sentence. Considérez combien cet aveu est parfait. Qu’est-ce à dire : Nous subissons la même sentence ? c’est-à-dire : nous sommes condamnés à la même peine, puisque nous sommes également sur la croix. Les reproches injurieux que vous lui faites tombent donc sur vous plus que sur lui. Et comme un pécheur qui condamne son semblable, se condamne plutôt lui-même ; ainsi reprocher à un autre la disgrâce que soi-même on éprouve, c’est se faire plutôt un reproche à soi-même. Nous subissons, dit-il, la même sentence. Il présente à son compagnon la loi apostolique, formée de ces paroles de l’Évangile : Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés. (Mat. 7,1) Nous subissons la même sentence. Quoi donc, pourrais-je lui dire ! prétendez-vous par-là associer Jésus-Christ à votre état de criminel ? Non, dit-il, je corrige ces paroles par celles qui suivent : Mais nous, nous souffrons justement, et nous portons la peine de nos crimes. Car, de peur que ces paroles Nous subissons la même sentence, ne vous fassent croire qu’il associe Jésus-Christ à leurs forfaits, il ajoute cette correction : Mais nous, dit-il, nous souffrons justement, et nous portons la peine de nos crimes. Vous voyez sur la croix un parfait aveu, vous voyez comme par des paroles le brigand expie ses attentats, vous voyez comme il accomplit cet avis du Prophète : Confessez le premier vos iniquités, afin que vous soyez justifié. (Isa. 43,26) Personne ne l’a accusé, personne ne l’a forcé, personne ne l’a pressé, et il devient lui-même son propre accusateur. Aussi par la suite n’a-t-il trouvé aucun accusateur, parce qu’il s’est hâté de s’accuser lui-même, qu’il s’est empressé de s’avouer coupable : Mais nous, dit-il, nous souffrons justement, et nous portons la peine de nos crimes ; au lieu que celui-ci n’a rien fait de mal. Vous voyez quelle est sa grande modération. Ce n’est qu’après s’être accusé et s’être chargé lui-même, après avoir justifié le Sauveur du monde par ces paroles : Mais nous, nous souffrons justement, au lieu que celui-ci n’a rien fait de mal; ce n’est qu’après cela qu’il lui a adressé avec confiance cette prière : Souvenez-vous de moi, Seigneur, lorsque vous serez retourné dans votre royaume. Il n’a pas osé lui dire : Souvenez-vous de moi, avant de s’être lavé de la souillure de ses péchés par une confession sincère, avant de s’être justifié en se condamnant lui-même, avant de s’être déchargé de ses crimes par sa propre accusation.
Vous voyez quel est le pouvoir de la confession même sur la croix. Apprenez de là, mes très-chers frères, à ne point désespérer de vous-mêmes ; ne perdez jamais de vue la bonté infinie de Dieu, et hâtez-vous de corriger vos fautes. S’il a traité avec tant de distinction un brigand sur la croix, à plus forte raison encore nous fera-t-il éprouver les effets de sa grande miséricorde, si nous voulons faire l’aveu de nos péchés. Afin donc de ressentir ces effets, ne rougissons pas de faire cet aveu. Oui, la confession a beaucoup de force et de vertu. Le brigand a confessé ses crimes, et il a trouvé le paradis ouvert ; il a confessé ses crimes, et malgré ses brigandages, il a osé demander le royaume céleste ; demande qu’avant cela il n’avait osé faire. Et comment, lui dirai-je, parliez-vous de royaume ? qu’avez-vous vu qui vous inspirât cette idée ? des clous, une croix, des reproches, des railleries ; des injures, des outrages, voilà tout ce qui s’offre à vous. Eh bien ! dit-il, c’est la croix même qui me parait le signe et la marque d’un royaume. C’est parce que je vois Jésus crucifié, que je l’appelle roi, puisqu’il est d’un roi de mourir pour ses sujets : Le bon pasteur, a-t-il dit lui-même, donne sa vie pour ses brebis, (Jn. 10,11) Ainsi un bon roi donne sa vie pour ses sujets. Je l’appelle