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distraire du triste spectacle de la croix par la puissance du Crucifié, il opère sur la croix même ce miracle qui manifeste le plus sa vertu surnaturelle. Ce n’est pas en ressuscitant les morts, en commandant aux vents et à la mer, en mettant en fuite les démons, mais sur la croix, alors qu’il était percé de clous, couvert d’outrages, de crachats, d’insultes, accablé d’opprobres, qu’il peut changer l’âme perverse du larron ; et afin que de toutes parts éclatât sa puissance, il ébranlait en même temps la nature entière, il brisait les rochers, il attirait et glorifiait l’âme du bon larron plus dure que la pierre, car il lui dit : Aujourd’hui tu seras avec moi en paradis. – Sans doute les chérubins gardaient le paradis, mais il est le maître des chérubins ; ils étaient armés d’un glaive de feu, mais il a tout pouvoir sur le feu et sur l’enfer, sur la vie et sur la mort. A-t-on jamais vu un roi permettre à un voleur ou à tout autre de ses serviteurs de s’asseoir à ses côtés pour entrer dans sa ville ? Le Christ l’a fait et en entrant dans la Patrie sainte, il introduit un voleur à ses côtés. N’allez pas croire que par cet acte il ait méprisé le paradis, il l’ait déshonoré par les pas de ce voleur ; au contraire, il l’a honoré, car c’est une gloire de plus pour le ciel d’appartenir à un Maître qui puisse rendre un voleur digne du bonheur qu’on y goûte. Et lorsqu’il introduisait les publicains et les femmes pécheresses dans le royaume des cieux, ce n’était point un déshonneur mais bien une gloire pour ce royaume, car il montrait ainsi que le Maître de ce royaume était si puissant qu’il pouvait changer les publicains et les femmes pécheresses au point de les rendre dignes d’une telle gloire et d’une telle récompense. Car, de même que nous admirons surtout un médecin lorsque nous le voyons rendre la santé à des hommes atteints de maladies incurables, ainsi est-il juste d’admirer Notre-Seigneur quand il guérit des blessures désespérées, quand il ramène le publicain et la femme pécheresse à un tel état de santé spirituelle qu’ils sont trouvés dignes du ciel.
Mais, me demandez-vous, qu’a donc fait de si grand le larron pour passer instantanément de la croix dans le ciel ? Je vais vous démontrer en peu de mots son mérite. Tandis que Pierre reniait au pied de la croix, lui confessait sur la croix, ce que je dis, non pour accuser saint Pierre, Dieu m’en garde ! mais pour vous donner une preuve de la vertu du larron. Le disciple ne résiste pas aux menaces d’une jeune fille sans importance, le voleur, au contraire, à la vue de tout le peuple qui l’environne en criant, en lançant les blasphèmes, les insultes, ne s’émeut pas, ne songe pas au déshonneur actuel du Crucifié, mais s’élevant plus haut avec les yeux de la foi, il ne fait nulle attention à ces vils obstacles, il reconnaît le Maître des cieux et se prosternant en esprit devant lui il disait : Souvenez-vous de moi, Seigneur, lorsque vous serez dans votre royaume. (Luc. 23,42) Ne nous hâtons pas trop de quitter ce voleur et ne rougissons pas de nous instruire à l’école de celui que Notre-Seigneur ne rougit pas d’introduire le premier dans le ciel. N’ayons pas honte de prendre pour maître celui qui avant toutes les autres créatures terrestres parut digne de la cité du ciel, mais faisons ressortir avec soin tous les détails de sa conduite, afin d’apprendre la vertu de la croix. Le Seigneur ne lui dit point comme à Pierre : Viens à ma suite et je te ferai pêcheur d’hommes. (Mat. 4, 19) Il ne lui dit pas comme aux douze : Vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël. (Mat. 19,28) Il ne l’honora pas même d’une parole. Il ne lui montra pas de miracles, il ne lui fit pas voir les morts ressuscités, les démons mis en fuite, la mer soumise, il ne lui parla ni du royaume des cieux ni de l’enfer, et cependant il le confessa avant tous les autres, malgré les insultes de son compagnon. L’autre voleur, en effet, insultait le Sauveur, c’est qu’il y avait encore un voleur crucifié avec Notre-Seigneur, afin que fût accomplie cette parole : Il a été mis au rang des scélérats. (Isa. 53,12) Les Juifs voulaient ainsi obscurcir sa gloire et ils l’insultaient dans tout ce qu’ils faisaient, mais la vérité brillait de toutes parts et les obstacles ne servaient qu’à la rendre plus éclatante. Donc, l’autre voleur insultait. Voyez-vus ces deux voleurs ? Tous deux sont sur la croix, tous deux pour leurs brigandages, tous deux pour leurs crimes. Mais tous deux n’atteignent pas la même fin. L’un a reçu en héritage le royaume des cieux, l’autre a été précipité en enfer. C’est ainsi qu’hier déjà nous distinguions le disciple et les disciples, Judas et les onze. Ces derniers disaient ; Où voulez-vous que nous préparions ce qu’il faut pour manger la pâque? Judas au contraire se disposait à trahir et disait : Que voulez-vous me donner et je vous le livrerai. Les uns se préparaient