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Nous n’avons pas ensanglanté d’armes, nous ne nous sommes pas rangés en bataille, nous n’avons pas reçu de blessures, nous n’avons pas soutenu de guerre ; et nous avons remporté la victoire : c’est le Seigneur qui a combattu, et c’est nous qui avons obtenu la couronne. Puis donc que la victoire nous est propre, faisons éclater notre joie comme les soldats, chantons tous aujourd’hui l’hymne de la victoire ; écrions-nous en louant le Seigneur : La mort a été absorbée dans la victoire. O mort, où est ta victoire ? enfer, où est ton aiguillon ? (1Co. 15, 54-55)
Tels sont les avantages que nous a procurés la croix ; la croix qui est un trophée érigé contre les démons, une arme contre le péché, le glaive avec lequel Jésus-Christ a percé le serpent infernal. La croix est la volonté du Père, la gloire du Fils unique, le triomphe de l’Esprit divin, l’honneur des anges, la sûreté de l’Église, le rempart des saints, l’objet dont se glorifiait Paul, la lumière du monde entier. En effet, comme pour dissiper les ténèbres d’une maison obscure, on allume et on élève un flambeau ; de même Jésus-Christ, allumant et élevant la croix comme un flambeau, a dissipé les ténèbres épaisses dans lesquelles toute la terre était plongée. Et comme un flambeau est surmonté de la lumière qui le rend lumineux, ainsi la croix était surmontée du Soleil de justice qui la rendait brillante. Le monde voyant le Fils de Dieu crucifié, a frémi, la terre a été ébranlée, les pierres se sont fendues ; mais les cœurs des Juifs, plus durs que la pierre sont restés insensibles. Le voile du temple s’est déchiré ; et leurs complots criminels ne se sont pas rompus. Pourquoi le voile du temple s’est-il déchiré ? c’est que le temple voyait avec peine le Seigneur immolé hors de son enceinte sur l’autel de la croix ; et par le déchirement de son voile il semblait dire à tous les hommes : Que celui qui le voudra foule désormais aux pieds le Saint des saints. À quoi me servent les objets que je renferme, puisqu’une telle victime est immolée hors de mon enceinte ? à quoi me sert le testament ? à quoi me sert la loi ? C’est en vain que j’ai instruit les Juifs depuis plusieurs siècles. Le Prophète s’écriait à ce sujet : Pourquoi les nations ont-elles frémi ? pourquoi les peuples ont-ils fait des réflexions inutiles ? (Psa. 2, 1 Les Juifs avaient entendu cette prophétie : Il a été conduit à la mort comme une brebis timide, il s’est tu comme un agneau devant celui qui le tond (Isa. 53, 7) ; ils y avaient réfléchi longtemps ; et lorsqu’ils l’ont vue s’accomplir, ils ont refusé d’y croire. Vous voyez comme ils ont fait des réflexions inutiles. Le voile du temple s’est déchiré pour annoncer combien le temple allait devenir pour toujours désert et abandonné.
3. Puis donc qu’en ce jour nous devons nous-mêmes voir celui qui a été attaché à la croix, approchons, mes très-chers frères, approchons avec tremblement et avec un recueillement respectueux, comme vers l’Agneau sacrifié et immolé pour nous. Ne savez-vous pas comment les anges se tenaient près du tombeau où il n’y avait plus de corps ? ils rendaient hommage au tombeau vide, comme à un monument qui avait renfermé le corps du Seigneur. Les anges, qui sont d’une nature supérieure à la nôtre, se tenaient près du tombeau, recueillis et pénétrés d’une vénération profonde ; et nous, qui ne devons pas approcher d’un tombeau vide, mais de la table même où repose l’Agneau sans tache, nous approchons en faisant du bruit, en excitant du tumulte ! Pourrons-nous jamais excuser notre irrévérence ? Je ne parle pas au hasard et sans raison ; mais comme j’en vois plusieurs ce soir faire du bruit, crier, se précipiter, se presser les uns les autres, se charger d’injures, encourir des peines par une telle conduite plutôt que mériter le salut, voilà pourquoi je vous donne ces avertissements. Eh quoi ! mon frère, lorsque le prêtre est à l’autel, en silence, dans le plus profond recueillement, levant les mains au ciel, invoquant l’Esprit-Saint pour qu’il vienne sanctifier les offrandes ; lorsque l’Esprit-Saint accorde la grâce qui lui est demandée, qu’il descend sur les oblations ; lorsque vous voyez l’Agneau sans tache, immolé, divisé en plusieurs parties, vous faites alors du bruit, vous excitez du tumulte, alors vous cherchez des querelles, alors vous recourez aux injures ! Et comment pourrez-vous profiter du sacrifice, si vous apportez à l’autel un pareil esprit de contention ? Ne nous suffit-il pas d’en approcher déjà coupables ? ne ferons-nous pas du moins en sorte que le moment où nous en approchons soit exempt de faute ? et sommes-nous exempts de faute lorsque nous excitons du tumulte, lorsque nous nous querellons, nous nous injurions mutuellement ? Pourquoi vous pressez-vous ;