Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 3, 1864.djvu/216

Cette page n’a pas encore été corrigée

mortel de Dieu. Jésus-Christ a donné sa vie pour vous, et vous persistez à être ennemi de votre frère ; pourrez-vous donc vous présenter à la table de paix ? Votre divin Maître a consenti à tout souffrir pour vous ; et vous ne pouvez vous résoudre à lui faire le sacrifice de votre ressentiment ! Pourquoi, je vous le demande ? la charité n’est-elle pas la racine, la source, la mère de toutes les vertus ? Cet homme, direz-vous, m’a causé les plus grands torts, il m’a fait mille maux, il m’a exposé à perdre la vie. Mais quoi ? il ne vous a pas encore crucifié, comme les Juifs ont crucifié le Seigneur. Si vous ne pardonnez pas à votre prochain ses offenses, votre Père céleste ne vous pardonnera point vos fautes. Dans quelle conscience lui direz-vous : Notre Père, qui êtes dans les cieux, que votre nom soit sanctifié (Mat. 6,9) et le reste ? Jésus-Christ a donné son sang pour le salut de ceux mêmes qui l’ont répandu, comme pour celui des autres hommes. Pouvez-vous rien faire de pareil ? Si vous ne pardonnez pas à votre ennemi, c’est moins à lui que vous faites tort qu’à vous-même. Vous lui avez souvent porté préjudice dans la vie présente, et vous vous êtes préparé à vous-même pour la vie future un supplice éternel. Non, Dieu ne hait et ne déteste rien tant qu’un esprit vindicatif, un cœur ulcéré, une âme, aigrie par la haine. Écoutez ce que dit le Sauveur : Si vous offrez votre don à l’autel, et que là vous vous rappeliez que votre frère a quelque chose contre vous, laissez votre don devant l’autel, et allez auparavant vous réconcilier avec votre frère ; et alors vous viendrez offrir votre don. (Mat. 5,23 et 24) Comment ! je laisserai là le don, c’est-à-dire le sacrifice ? Oui, sans doute ; car c’est pour la paix avec votre frère qu’est établi le sacrifice. Or, si le sacrifice est établi pour la paix avec le prochain, et que vous ne ménagiez pas cette paix, quand même vous participeriez au sacrifice, cette participation ne vous sera d’aucune utilité. Commencez donc par ménager la paix pour laquelle on offre le sacrifice, et alors vous recueillerez tout le fruit du sacrifice. Le Fils de Dieu est venu dans le monde pour réconcilier notre nature avec son Père, selon ce passage de saint Paul : Mais il a tout réconcilié par sa croix, et il a détruit toute inimitié par les souffrances de son corps. (Col. 1,22. Eph. 2,16) Aussi ne s’est-il pas contenté d’être venu lui-même pour ménager la paix, il annonce que nous sommes heureux si nous la ménageons à son exemple, et il nous fait participants du nom qu’il porte : Bienheureux les pacifiques, dit-il, parce qu’ils seront appelés les fils de Dieu. (Mat. 5,9) Faites donc, autant qu’il sera en vous, ce qu’a fait Jésus-Christ fils de Dieu ; procurez-vous la paix à vous-même, procurez-la à votre prochain. Voilà pourquoi Jésus-Christ appelle le pacifique, fils de Dieu ; voilà pourquoi dans le moment même du sacrifice, le seul acte de justice qu’il vous recommande, c’est la réconciliation avec votre frère, faisant voir par là que la charité est la plus excellente de toutes les vertus.
J’aurais voulu étendre davantage ce discours, mais ce que j’ai dit suffit pour ceux qui reçoivent la semence de piété avec attention et intelligence, et qui ne veulent rien perdre de la parole divine qu’on leur annonce. Rappelons-nous donc dans toutes lés circonstances ces vérités utiles ; rappelons-nous ces embrassements mutuels, si terribles pour les vindicatifs. Ces embrassements unissent les âmes des fidèles, et font de nous tous un seul corps dont Jésus-Christ est le chef. Nous participons tous à un seul corps, devenons donc réellement un seul corps, et ne nous contentons pas de rapprocher les corps par des baisers de pais:, unissons les âmes par le lien de la charité. Ainsi nous pourrons participer avec confiance à la table sainte, et devenir les sanctuaires de cette paix que Jésus-Christ a obtenue comme le prix de sa mort. Quand nous aurions pratiqué une infinité de bonnes œuvres, tout cela, si nous conservons de la haine contre nos frères, ne nous servira de rien ; nous n’en pourrons recueillir aucun fruit pour le salut. Le Sauveur étant sur le point de monter vers son Père, laissa la paix pour héritage à ses disciples, au lieu de fa gloire temporelle et d’une opulence passagère : Je vous donne ma paix, leur dit-il, je vous laisse ma paix. (Jn. 14,27) Pourrait-il y avoir une richesse plus importante et plus précieuse que la paix de Jésus-Christ, qui surpasse toute expression et tout sentiment ? Convaincu que la haine contre son prochain est le péché le plus grave, le prophète disait dans la personne de Dieu : O mon peuple ! que chacun parle à son prochain dans la vérité ; que nul ne conserve de haine contre son frère, et ne forme de mauvais desseins contre lui ; n’aimez point à faire de faux serments, et vous ne mourrez point, maison