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sommes chargés, c’est de la divine Bonté que nous l’avons reçu. Le propre de la pitié, c’est, de délivrer du mal, non pas de faire du bien mais la divine miséricorde va jusqu’à combler de bienfaits. « Nous ne le négligeons point ». C’est encore à la bonté de Dieu qu’il faut attribuer cet effet. Car ces paroles : « Selon la miséricorde qui nous a été faite », elles se rapportent à la fois à ceci : « nous ne le négligeons point », et au ministère apostolique.
Voyez comme il s’applique à, rabaisser son propre mérite. Après avoir été comblé de tels bienfaits, et cela uniquement par pure bonté, par pure miséricorde de la part de Dieu, est-ce faire beaucoup que de se charger de ces quelques travaux, que de courir ces dangers, que de soutenir ces tentations ? Et c’est pourquoi nous ne nous décourageons point, mais au contraire nous nous réjouissons, nous agissons avec confiance. A ces mots : « Nous ne le négligeons point », il rattache les suivants : « mais nous avons déposé toute honte cachée, ne marchant point dans la ruse, et ne corrompant point la parole de Dieu ». Que veulent dire ces paroles : « Une honte cachée ? » Nous n’annonçons point, nous ne promettons point de grandes choses ; dit-il, pour n’en réaliser que de faibles, comme font les faux apôtres. Aussi disait-il : « Vous lisez sur notre visage ». (2Cor. 10,7) Tels vous nous voyez, tels nous sommes : nulle duplicité dans notre âme ; nous ne parlons pas d’une façon pour agir d’une autre, pour faire ce que la honte contraint à cacher et à couvrir d’un voile. C’est pour développer cette pensée qu’il ajoute : « Nous ne marchons point avec ruse ». Ce dont ils se glorifiaient, il le regarde, lui, comme honteux et misérable.
Que signifie ce mot : « Avec ruse ? » Ils passaient pour ne recevoir aucun présent ; mais ils en recevaient en secret ; on les regardait comme de saints, comme d’irréprochables apôtres, et pourtant ils étaient tout plein de vices. Pour nous, dit-il, nous avons horreur de ces procédés (et c’est là ce qu’il appelle une turpitude secrète) », et nous nous montrons tels que nous sommes. Il n’y a rien de caché non seulement dans notre vie et dans nos mœurs, mais nul voile ne recouvre, notre enseignement. C’est là le sens de ces paroles : « Ne corrompant point la parole de Dieu, mais « annonçant toujours la vérité ». C’est-à-dire l’annonçant non par notre visage et en apparence, mais en proposant une doctrine solide et substantielle : «. Nous recommandant nous-mêmes à la conscience de tous les hommes ». Ce ne sont pas seulement les fidèles, mais encore les infidèles qui peuvent nous connaître : nous nous montrons à tous de manière que tous puissent nous examiner comme ils voudront. C’est ainsi que nous savons nous recommander, et non pas au mayen de l’hypocrisie ou d’un masque brillant. Nous disons donc que nous ne recevons point de présents, et nous vous prenons à témoin. Nous disons que notre conscience ne nous reproche rien, et ici encore nous invoquons votre témoignage : eux au contraire, c’est en se cachant sous le voile de l’hypocrisie, qu’ils en trompent un si grand nombre. Nous, nous soumettons notre vie aux regards de tous, nous prêchons à découvert : tous peuvent nous comprendre. – Cependant les infidèles ne connaissaient point la force de la prédication de l’apôtre ; et c’est pourquoi il ajoutait que ce n’était pas à lui, mais bien à eux qu’on devait l’imputer. « Si notre Évangile est couvert d’un voile, il l’est dans ceux qui périssent. Le Dieu de ce siècle a aveuglé les âmes des infidèles (3, 4) ». C’est une pensée qu’il exprimait déjà plus haut : « Nous sommes pour les uns une odeur de mort pour la – mort ; aux autres une odeur de vie pour la vie ». (2Cor. 2,16)
2. Que signifient ces mots : « Le Dieu de ce siècle ? » Les Marcionites prétendent que l’apôtre veut parler du Créateur, qui a la justice en partage, sans, avoir la bonté. Les Manichéens soutiennent qu’il est question du démon ; et ils imaginent follement un autre créateur que le seul véritable. L’Écriture, disent-ils, donne le nom de Dieu, non seulement à celui qui possède la nature divine, mais à tout ce Uni exerce un véritable empire sur la faiblesse des hommes : c’est ainsi qu’elle appelle de ce nom la richesse et le ventre. Non pas que ni l’un ni l’autre aient cette dignité ; mais ils exercent une entière puissance sur ceux qui se sont rendus leurs esclaves. Quant à nous, il nous semble qu’il ne s’agit nullement ici du démon, tuais bien du Dieu créateur de toutes choses, et qu’il faut lire : « Dieu a frappé d’aveuglement les âmes des infidèles de ce siècle ». Il n’y aura point d’infidèles dans le siècle futur ; il ne peut y en avoir que dans celui-ci. Et quand même on lirait : « Le Dieu de ce siècle », il ne saurait