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propose de pécher : il ne prononce pas le nom d’idolâtrie, il déguise la chose autrement, la dore, la masque par de belles paroles. Ainsi Paul anime les soldats, leur inspire le sang-froid, en nous persuadant que nous avons affaire à un adversaire habile, à un ennemi qui ne procède point par guerre ouverte, mais par surprise. Et tout d’abord il rappelle à ses disciples la nature et le nombre de leurs ennemis, afin d’exciter leur courage. S’il décrit ces ruses, s’il inspire le sang-froid aux soldats placés sous ses ordres, ce n’est pas pour les décourager, mais au contraire pour les enflammer d’ardeur. S’il se bornait à faire ressortir la puissance de l’ennemi, il pourrait provoquer le découragement : mais comme il a soin, avant et après, de montrer la possibilité de la victoire, il ne fait par là qu’exciter davantage le zèle. Car plus nous rendrons sensible aux yeux des nôtres la puissance de l’ennemi, plus nous animerons leur courage.

« Parce que nous n’avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice au sujet des biens célestes (12) ». Après nous avoir excités par la description du combat qui nous attend ; il nous enflamme par la peinture des récompenses promises à la victoire. En effet, après avoir dit que les ennemis sont redoutables, il ajoute qu’ils essaient de nous ravir un bien inestimable. Lequel ? C’est des récompenses célestes qu’il s’agit, non d’argent, ni de gloire : nos ennemis veulent nous asservir : de là une haine irréconciliable entre nous. Plus vive est l’ardeur guerrière, plus vive est la lutte, quand on combat pour de grands objets. En effet, par ces mots : « Au sujet des biens célestes », entendez : Pour les biens célestes ; non que nos adversaires se proposent de les conquérir, mais ils veulent nous en priver. C’est comme si l’on disait, en parlant d’un contrat : Contrat passé « au sujet » de telle chose. Voyez combien la puissance de l’adversaire nous anime, nous rend vigilants : nous savons qu’il s’agit pour nous d’un grand trésor que la victoire peut nous assurer : c’est du ciel que l’ennemi travaille à nous chasser. Quels sont maintenant ces princes, ces puissances, ces dominateurs de ce monde de ténèbres ? Quelles ténèbres ? celles de la nuit ? Nullement, mais celles du vice… Nous étions ténèbres autrefois, dit l’Écriture, pour désigner la perversité qui règne en ce monde : car là se borne son empire ; elle n’a point accès au ciel, ni dans la vie future.

S’il appelle nos ennemis : « Maîtres du monde », ce n’est pas comme régnant sur le monde, mais comme auteurs du mal qui s’y commet. L’Écriture désigne habituellement par « Monde » les mauvaises actions par exemple le Christ dit : « Vous n’êtes pas de ce monde, comme moi je ne suis pas du monde ». Est-ce à dire qu’ils n’étaient pas du monde ? qu’ils n’étaient pas revêtus de chair ? qu’ils n’habitaient pas le monde ? Et ailleurs : « Le monde me hait, mais vous, il ne peut vous haïr ». (Jn. 17,14, et 7,7) Ici encore il désigne les mauvaises actions. Ou bien, par monde, il entend ici les méchants, particulièrement soumis au pouvoir des démons… « Contre les princes et les puissances, contre les esprits de malice, au sujet des biens célestes ». Il dit : Princes et puissances, par analogie avec les trônes, les dominations, les princes, les puissances d’en haut. « A cause de cela, revêtez-vous de l’armure de Dieu, afin que vous puissiez, en jour mauvais, résister, et rester vainqueurs de tout (13) ». – « Jour mauvais », c’est-à-dire la vie présente ; il appelle ce temps mauvais, à cause du mal qui s’y fait. Il veut dire : Soyez toujours en armes. « Et rester vainqueurs de tout » ; c’est-à-dire, vainqueurs des passions, des appétits déréglés, de tout ce qui nous tourmente… Il ne dit pas seulement vaincre, mais : « Rester vainqueurs » : il ne suffit pas de triompher, il faut rester debout après le triomphe, et ne pas retomber comme il est arrivé souvent en pareil cas. « Rester vainqueurs de tout », et non d’une chose, sans l’être du reste : car après la victoire il faut encore tenir bon. Ce qu’on a abattu peut revivre, et se relever si nous ne restons pas fermes. L’ennemi est à terre, tant que nous sommes debout : tant que nous restons à notre poste, il ne se relève pas. « Revêtons l’armure de Dieu ».

4. Voyez-vous comme il nous rassure ? En effet, s’il est possible d’abattre l’adversaire et de tenir bon, pourquoi se dérober au combat ? Tiens bon après avoir renversé l’ennemi, et te voilà victorieux. Et ne vous étonnez pas de le voir s’étendre si longuement sur la puissance des ennemis : cette énumération n’est pas faite pour inspirer la crainte ou la pusillanimité, mais plutôt pour réveiller la nonchalance.