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ni d’invectives, qu’il corrige sa femme, comme un être inférieur à lui-même en raison. Comment y parvenir ? Si l’on sait en quoi consiste la vraie richesse, si l’on est initié à la philosophie céleste, on se gardera de pareils reproches… Que, le mari enseigne à sa femme que la pauvreté n’est pas un mal ; qu’il le lui enseigne, non seulement par ses paroles, mais encore par sa conduite ; qu’il lui inspire le mépris de la vaine gloire, et la femme ne dira, ne désirera rien de semblable. Que, l’entourant d’un pieux respect dès le premier soir qu’elle a mis le pied chez lui ; il lui enseigne la tempérance, la modestie, la douceur, à mener toujours une vie honnête, à ne pas aimer l’argent, à pratiquer la philosophie chrétienne, à ne pas charger d’or ses oreilles, son visage, son cou, à ne pas thésauriser en secret, à préférer une simplicité élégante aux vêtements somptueux et dorés, au luxe insolent. Loin de toi cet étalage théâtral ! Orne ta maison avec décence et bon goût, et qu’on y respire, en entrant, au lieu de parfums, la modération et la sagesse. Deux avantages, ou plutôt trois résulteront de là : d’abord la jeune femme ne sera pas affligée, la noce finie, de voir renvoyer à ceux qui les ont fournis vêtements, objets d’or, vases d’argent : en second lieu, l’époux n’aura pas à veiller à ce que ces objets ne se perdent point et soient tenus sous bonne garde. Le troisième avantage, et le plus essentiel, c’est que par là même il montrera ses sentiments, le peu de prix qu’il attache à tout cela, le soin qu’il prendra d’interdire tout ce qui y ressemble, ainsi que les danses, les chants licencieux.

Je ne me dissimule pas que je me rends peut-être ridicule aux yeux de quelques-uns en légiférant de la sorte mais si vous suivez mes conseils, avec le temps, quand vous en aurez profité, vous en saurez le prix : vous ne rirez plus, ou plutôt vous rirez de la mode actuelle ; vous verrez que des pratiques pareilles ne sauraient convenir qu’à des enfants sans raison ou à des hommes ivres : qu’au contraire, la conduite que je vous trace est celle de la décence, de la sagesse et du christianisme… Qu’est-ce donc que je prescris ? De bannir du mariage toute chanson licencieuse, satanique, tout refrain indécent, toute affluence de jeunes débauchés : voilà le moyen d’inspirer la pudeur à votre femme. Elle se dira aussitôt : Quel homme est mon mari ! il est philosophe, il compte pour rien la vie présente, il m’a épousée pour avoir des enfants, pour les élever, pour que sa maison soit gardée. Mais ces pensées déplaisent à une jeune femme : oui, le premier, le second jour : plus tard, c’est différent : elle trouvera un grand bonheur à jouir d’une sécurité parfaite. En effet, un homme qui ne supporte ni le son de la flûte, ni la vue des danses, ni la licence des chansons, et cela, au jour de son mariage, celui-là ne consentira jamais, certes, à rien faire, à rien dire de honteux. Ensuite, après avoir pris soin d’écarter du mariage tout cet appareil, commencez l’éducation de votre femme : laissez-lui longtemps ses craintes pudiques, ne les chassez pas d’un coup. Car la jeune fille la plus hardie reste un temps silencieuse, par réserve à l’égard de son mari, et par ignorance. Respectez donc d’abord cette réserve ; n’imitez pas l’empressement déréglé de certains hommes ; sachez attendre longtemps vous vous en trouverez bien… Pendant ce temps elle ne vous fera pas de reproches ; elle ne trouvera pas à redire à vos décisions.

8. Profitez, pour lui tracer des règles de conduite, du temps où la honte, semblable à un frein, l’empêche de se plaindre, de réclamer car elle n’aura pas plutôt son franc-parler, qu’elle sera libre de tout bouleverser. Quel temps pourrait être mieux choisi pour l’éducation d’une femme, que celui où elle rougit encore devant son mari, et n’a pas cessé de le craindre ? Usez de l’occasion pour lui tracer son devoir, et de toute manière, de bon gré ou à contre-cœur, elle vous obéira. Mais comment ne pas lui enlever cette pudeur ? En vous en montrant pénétré comme elle, en lui parlant brièvement, avec retenue et gravité alors vous pourrez lui parler de sagesse ; elle vous écoutera : inspirez-lui cette précieuse disposition, la pudeur. Si vous le voulez, je vous dirai en manière d’exemple, de quelle façon vous devez vous entretenir avec elle. Car, si Paul n’a pas craint de dire : « Ne vous frustrez pas mutuellement » (1Co. 7,5), s’il a tenu le langage d’un paranymphe, parlons mieux, d’une âme spirituelle : à plus forte raison ne refuserons-nous pas, nous, de tenir ce langage. Que faut-il donc dire à votre femme ? Dites-lui avec la grâce la plus parfaite : Chère petite fille, je t’ai choisie pour la compagne de ma vie, j’ai associé mon existence à la tienne, dans les choses les plus importantes