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Vous voyez cette apparente contradiction ? Mais « Dieu les a livrés », signifie ici : Dieu les a laissés aller. Voyez-vous qu’en l’absence d’une vie pure, de pareilles doctrines prennent facilement naissance ? « Quiconque fait le mal », est-il écrit, « hait la lumière, et ne vient pas à la lumière ». (Jn. 3,20)

Comment concevoir qu’un pervers, un homme prostitué à toutes les femmes, à l’image de ces pourceaux qui se vautrent dans les bourbiers, qu’un avare, qu’un homme sans souci de la tempérance, puisse adopter un genre de vie comme le nôtre ? Voilà les occupations dont ils font métier, dit l’apôtre. De là leur aveuglement, de là le crépuscule répandu sur leur esprit. La plus brillante lumière pâlit, quand on a les yeux faibles ; or, les yeux s’affaiblissent, soit par suite d’un afflux d’humeurs malignes, soit par l’abondance trop grande du liquide qu’ils recèlent. C’est la même chose ici : quand le flux des choses mondaines vient à submerger notre intelligence, elle se trouve dans l’obscurité ; et comme si nous étions au fond de l’eau, nous devenons hors d’état de voir le soleil, à cause de la barrière que l’eau dont nous sommes couverts oppose à nos regards. C’est ainsi que s’aveuglent également les yeux de notre raison, quand nulle crainte n’ébranle notre âme. « La crainte de Dieu n’est pas devant ses yeux », est-il écrit ; et encore : « L’insensé a dit dans son cœur : il n’y a pas de Dieu ». (Psa. 13,3,1) Cet aveuglement provient d’une seule cause, l’apathie : voilà ce qui obstrue nos organes. Quand une humeur vient à se concentrer et à se condenser dans un endroit, le membre devient insensible et comme mort ; brûlez-le, coupez-le, faites ce que vous voudrez, il ne sent plus rien. De même, une fois que les hommes dont je parle se sont abandonnés à la débauche, employez le discours pour les guérir, à la façon du fer ou du feu, rien ne les touche, rien ne pénètre jusqu’à eux ; le membre est paralysé ; si vous ne guérissez pas cette insensibilité, si vous n’attendez pas que le membre soit sain, vous perdez votre peine. « A l’avarice ». C’est ici particulièrement qu’il leur ôte toute excuse. Il ne tiendrait qu’à eux, s’ils le voulaient, d’éviter l’avarice, l’incontinence, la gourmandise, les voluptés ; ils pourraient ne toucher à l’argent, au plaisir, au luxe, qu’avec modération ; mais une fois qu’ils ont abusé, tout est perdu. « A toutes sortes de dissolutions ». Voyez-vous comment par là il leur ôte tout recours ? Il montre qu’ils n’ont point péché par accident, mais par coutume, et, pour ainsi dire, par métier : « A toutes sortes de dissolutions ».

Par dissolutions, entendez l’adultère, la fornication, la sodomie, l’envie, tous les genres d’intempérance et de débauche. « Pour vous, ce n’est pas ainsi que vous avez été instruits touchant le Christ, si toutefois vous l’avez écouté, et si vous avez appris de lui, selon la vérité de sa doctrine (20, 21) ». Ces mots : « Si toutefois vous l’avez écouté », ne marquent point ici un doute, mais une affirmation expresse ; c’est ainsi qu’on lit ailleurs « Si pourtant il est juste devant Dieu, qu’il rende l’affliction à ceux qui vous affligent ». (2Th. 1,6) En d’autres termes : Ce n’est pas ainsi que vous avez été instruits touchant le Christ. « Si toutefois vous l’avez écouté, et si vous avez appris de lui, selon la vérité de sa doctrine, à dépouiller, par rapport à votre première vie, le vieil homme (22) ». Ainsi, c’est encore être instruit touchant le Christ, que de bien vivre. Celui qui vit mal, méconnaît Dieu, et il est méconnu de lui. Écoutez plutôt ce que dit ailleurs le même Paul : « Ils confessent qu’ils connaissent Dieu, et ils le nient par leurs œuvres ». (Tit. 1,16) « Selon la vérité de sa doctrine, à dépouiller, par rapport à votre première vie, le vieil homme ». En d’autres termes : Ce ne sont pas là vos conventions. Parmi nous, ce n’est pas la vanité qui règne, mais la vérité ; si les dogmes sont vrais, la vie ne l’est pas moins. C’est le péché et le mensonge qui sont vanité ; quant à la bonne conduite, c’est vérité ; car la fin en est sublime : la débauche, au contraire, aboutit au néant. « Qui se corrompt par les désirs de son erreur ». Si ses désirs sont corrompus, il l’est également lui-même.

2. Comment donc ses désirs sont-ils corrompus ? Tout se dissout par la mort : écoutez le prophète qui nous dit : « En ce jour périront toutes ses pensées ». (Psa. 114,4) Et ce n’est pas seulement par la mort, c’est de mille autres manières : par exemple, la beauté s’enfuit devant la maladie et la vieillesse, elle meurt, elle se flétrit. La force du corps succombe aux mêmes atteintes : la mollesse elle-même ne goûte plus les mêmes plaisirs, la vieillesse venue. C’est ce que nous fait voir l’histoire de