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à lui, soit complet. La tête a son complément, le corps est parfait, lorsque nous sommes réunis et assemblés tous ensemble.

3. Voyez-vous les richesses de gloire de l’héritage ? Voyez-vous la grandeur suréminente de la vertu de Dieu envers ceux qui croient ? Voyez-vous l’espérance à laquelle vous êtes appelés ? Respectons notre chef, songeons de quel chef nous sommes le corps, chef auquel tout est soumis. D’après cela, il faut que nous soyons meilleurs que les anges, et plus grands que les archanges, puisque nous sommes plus élevés qu’eux tous en dignité. « Dieu n’a pas pris les anges, mais il a pris la race d’Abraham ». (Héb. 2,16) Il n’a pris ni principauté, ni vertu, ni domination, ni aucune autre puissance : c’est notre nature qu’il a prise et qu’il a établie là-haut. Et que dis-je, établie ? Il en a fait son vêtement, et il ne s’en est pas tenu là, il a tout mis sous ses pieds. Combien voulez-vous mettre de morts ? Combien de vies ? mille, des milliers ? Vous n’arriverez pas au niveau. Il a fait les deux plus grandes choses qui se pussent faire ; il est descendu lui-même au dernier degré d’abaissement, et il a porté l’homme au comble de l’élévation. Paul a parlé en premier lieu de l’abaissement : il arrive maintenant à ce qui est plus sublime encore, au grand, au principal mystère. Cependant, quand bien même nous n’aurions rien reçu que le premier bienfait, il suffisait ; et si nous étions jugés dignes d’un tel honneur, du moins l’immolation n’était pas nécessaire. Quel langage, quelle hyperbole pourrait donc égaler ces deux bienfaits réunis ? C’est peu que la résurrection, quand je songe à cela. Ce n’est pas le Dieu Verbe qu’il a en vue lorsqu’il dit : Le Dieu de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Respectons cette étroite parenté, craignons que quelqu’un ne vienne à être retranché de ce corps, que quelqu’un ne soit rejeté, que quelqu’un ne se montre indigne. Si l’on avait ceint notre front d’un diadème, d’une couronne d’or, est-ce que nous ne ferions pas tous nos efforts pour nous montrer dignes de notre vaine parure de pierres précieuses ? Mais ce n’est pas un diadème qui ceint aujourd’hui notre front : c’est Jésus qui est devenu notre tête, notre chef, ce qui est bien autre chose, et nous n’en tenons nul compte. Ce chef, les anges, les archanges et toutes les puissances d’en haut le vénèrent ; mais nous, qui sommes son corps, ni ce motif ni l’autre ne nous le font vénérer ? Et quel espoir de salut y aura-t-il pour nous ?

Songez au trône royal, songez à cet excès d’honneur : il ne tient qu’à nous que cela ne soit pour nous un plus grand sujet d’effroi que l’enfer même. S’il n’y avait pas d’enfer, ne serait-ce pas un affreux supplice, un affreux châtiment, que d’être reconnus indignes par notre méchanceté de la glorieuse prérogative dont nous avons été honorés. Songe auprès de qui siège ton chef ; il n’en faut pas davantage : songe à la droite de qui il est assis. Eh quoi ! le chef plane au-dessus de toutes les principautés, les puissances et les vertus ; et le corps est foulé aux pieds par les démons ! À Dieu ne plaise ! Si cela arrivait, ce ne serait plus le corps désormais. Devant ton chef tremblent les serviteurs glorieux, et tu mets le corps sous les pieds de ceux qui ont offensé le maître ! Quel châtiment n’encours-tu point par là ? Si quelqu’un mettait des fers et des entraves aux pieds d’un roi, ne s’exposerait-il pas au dernier supplice ? Toi, tu jettes le corps tout entier aux bêtes féroces, et tu ne trembles pas ?

Mais puisqu’il est question du corps du Seigneur, parlons aussi de celui qui fut mis en croix, cloué, de la victime du sacrifice. Si tu es corps du Christ, porte la croix, car il l’a portée ; supporte les crachats, supporte les soufflets, supporte les clous ! Tel était ce corps. Ce corps était sans péché. « Il ne fit pas de péché », est-il écrit, « et la ruse ne fut pas trouvée dans sa bouche ». (Isa. 53,9) Ses mains faisaient tout pour obliger ceux qui avaient besoin ; sa bouche ne proféra jamais aucune parole déplacée. On lui dit : « Tu as un démon » (Jn. 7,28) ; et il ne répondit rien. Puisque nous parlons du corps, nous qui participons au corps, nous qui goûtons à ce sang, songeons que nous participons, que nous goûtons à celui qui ne diffère en rien de celui-là, à celui qui siège là-haut, qui est adoré par les anges, qui est auprès de l’incorruptible Vertu. Hélas ! que de routes nous sont ouvertes pour le salut ! Il a fait de nous son corps, il nous a communiqué son corps, et rien de tout cela ne nous détourne du mal ! O ténèbres et abîme ! ô stupidité ! « Songez », est-il écrit, « aux choses du ciel, où est le Christ assis à la droite de Dieu ». (Col. 3,1, 2) Et après cela on trouve encore des hommes