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pas, il supplie Dieu, et ses paroles sont remplies d’égards pour les fidèles ; il les appelle d’abord ses frères, et ensuite il adresse pour eux au ciel ses supplications. « Je vous exhorte », dit-il, « mes frères ». Ensuite, pour exciter leurs inquiétudes, il leur montre la ruse des ennemis qui les menacent. Comme la perfidie se cache, il l’indique par ces paroles : « Je vous exhorte à prendre garde », c’est-à-dire, à scruter avec un soin rigoureux, à bien vous rendre compte, à vous renseigner exactement. A quel sujet, je vous prie ? Au sujet de ces hommes, « Qui causent les dissensions et les scandales contre la doctrine que vous avez apprise ». C’est que rien ne bouleverse plus l’Église que les divisions : ce sont là les armes du démon, c’est là ce qui met tout sens dessus dessous. Tant que le corps reste uni, impossible à lui d’y pénétrer, mais la division produit le scandale. Maintenant, d’où vient la division ? des doctrines contraires à l’enseignement des apôtres. Et ces doctrines, d’où viennent-elles ? de la sensualité asservie au ventre, et des autres passions. « Car de telles gens », dit-il, « ne servent point Notre-Seigneur, mais leur a ventre ». De telle sorte qu’on ne verrait ni scandales, ni division, si l’on ne concevait pas des doctrines contraires à l’enseignement apostolique ; ce que montrent ici ces paroles : « Contre la doctrine ». Et Paul ne dit pas Que nous vous avons enseignée, mais : « Que « vous avez apprise », il les prévient, il leur montre qu’ils ont été persuadés, qu’ils l’ont entendue, qu’ils l’ont acceptée ! Or, maintenant que ferons-nous à ceux qui mutilent de tels enseignements ? L’apôtre ne dit pas Marchez coutre eux, combattez, mais : « Et de vous détourner d’eux ». En effet, si leur conduite était un effet de l’ignorance ou de l’erreur, il faudrait les redresser ; mais ils savent ce qu’ils font, écartez-vous.
Ailleurs encore, il tient le même langage « Retirez-vous », dit-il, « loin de tout frère, qui va et vient, d’une manière déréglée ». (2Thes. 3,6) Au sujet de l’ouvrier en cuivre, il exhorte Timothée en ces termes « Gardez-vous de lui ». (2Tim. 4,15) Ensuite il tourne en dérision les fauteurs de ces désordres, il explique leur conduite, pourquoi ils suscitent la division : « Car de telles gens », dit-il, « ne servent point Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais leur ventre ». C’est ce qu’il écrivait aux Philippiens : « Qui font leur Dieu de leur ventre ». (Phil. 3,19) Il me parait ici vouloir désigner les Juifs, qu’il accuse surtout ordinairement d’être asservis à leur ventre. En effet, il écrit à Tite à leur sujet : « Mauvaises bêtes, qui n’ont d’énergie que pour leur ventre ». (Tit. 1,12) Et le Christ, les accusant pour la même raison, disait : « Vous dévorez les maisons des veuves ». (Mt. 23,14) Les prophètes dirigent contre eux les mêmes accusations : « Il s’est engraissé », dit le texte, « il s’est rempli d’embonpoint, et il s’est révolté, le bien-aimé ». De là les exhortations de Moïse : « Après avoir mangé, après avoir bu, après vous être rempli, souvenez-vous du Seigneur votre Dieu ». (Deut. 32,15 ; 6,12-13) Dans l’Évangile, on les entend dire au Christ : « Quel signe nous montrez-vous ? » (Jn. 2,18) Et alors, oubliant tous les miracles qu’ils ont vus, ils ne se souviennent que de la manne ; partout ils se montrent possédés de ce vice. Comment ne pas rougir de reconnaître pour ses maîtres des hommes esclaves de leur ventre, quand on est le frère du Christ ? Voilà, d’une part, la cause, l’occasion de ces désordres ; quant à la manière dont cette dépravation se propage, c’est encore une autre maladie ; il faut, d’autre part, reconnaître la flatterie. « Par des paroles douces et flatteuses ils séduisent les âmes simples ». C’est avec raison que l’apôtre dit : « Par des paroles douces et flatteuses », car leur flatterie ne va pas plus loin que les paroles, leur pensée n’a rien qui respire la douceur, elle est pleine de ruse. Et la lettre ne dit pas. Ils vous séduisent, mais : « Ils séduisent les âmes simples ».
Paul ne s’arrête pas là ; pour ne pas offenser ceux à qui il s’adresse, il ajoute : « Votre obéissance est parvenue à la connaissance « de tous (t9) ». Ce qu’il dit, c’est pour les empêcher de se déshonorer, il les prévient par ses éloges, il les retient par le grand nombre des témoins qui les regardent. Je ne suis pas le seul, en effet, qui rende de vous ce témoignage, le monde entier en fait autant. Et il ne dit pas : Votre sagesse, mais : « Votre obéissance », c’est-à-dire, votre foi, ce qui est un témoignage de la douceur de leur esprit. « Je m’en réjouis pour vous ». Il n’y a pas là un éloge à dédaigner vient ensuite, après la louange, un avertissement. Il ne veut pas, en les mettant hors d’accusation, vu leur