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absorbé par une tristesse trop prolongée (7) ». non seulement l’apôtre ordonne de cesser la punition, mais il veut qu’on le rétablisse dans son premier état. Se borner à châtier le coupable sans le soigner et le guérir, c’est en effet ne rien faire. Voyez comme il sait imposer un frein à l’incestueux, de peur qu’il n’abuse du pardon qu’il obtient. Il a confessé sa faute, il s’en est repenti, il est vrai ; néanmoins, ce n’est pas tant son repentir que la généreuse bonté de l’Église qui le relève de l’excommunication, c’est pourquoi saint Paul emploie ces mots : « Accordez-lui son pardon et empressez-vous de le consoler ». La suite le dit clairement aussi. Ce n’est pas qu’il soit digne de rentrer en grâce, ce n’est pas que la pénitence ait été suffisante, non ; c’est parce qu’il est faible, dit l’apôtre, que je le juge digne de pardon. Aussi ajoute-t-il : « De peur qu’il ne soit comme absorbé par une trop longue tristesse », C’est le langage d’un homme qui rend témoignage à une pénitence sincère et qui craindrait de voir le coupable tomber dans le désespoir. Que signifie cette parole : « De peur qu’il ne soit absorbé ? » c’est-à-dire, de peur qu’il ne vienne à faire comme Judas, ou bien encore ; de peur qu’il ne mène une vie plus coupable, s’il se résigne à continuer de vivre. En effet, qu’il perde courage, ne pouvant supporter plus longtemps les reproches dent on l’accable, ou bien il se donnera là mort, ou bien il se plongera dans toutes sortes de crimes.
4. L’apôtre se proposait donc, comme je l’ai dit, d’imposer à l’incestueux le frein d’un salutaire conseil, pour prévenir le relâchement après le pardon. Si je lui pardonne, dit-il, ce n’est pas que je le regarde comme entièrement lavé de ses souillures, mais je veux empêcher qu’il ne se porte aux dernières extrémités. Ainsi donc, ce n’est pas seulement d’après la nature des fautes que nous devoirs infliger une pénitence ; nous devons tenir compte aussi des dispositions et des sentiments du coupable, comme fit en cette circonstance saint Paul, qui redoutait la faiblesse de l’incestueux. Aussi disait-il « De peur qu’il ne soit dévoré » par la tristesse, comme par une bête féroce, ou par une violente tempêter « C’est pourquoi je vous exhorte ». Il ne commande plus, il exhorte ; non comme un maître, mais comme un égal ; il établit jugés les Corinthiens eux-mêmes, et lui, il joue maintenant le rôle d’avocat. Comme il avait réussi au gré de ses désirs, il ne se sent plus de joie maintenant, et ne met plus de bornes à ses prières. Que demandez-vous donc, ô grand apôtre : « Je vous exhorte à confirmer « votre charité envers lui (8) ». Ce que je vous demande, ce n’est pas une charité quelconque, mais une charité effective et persévérante. N’est-ce pas un beau témoignage que rend l’apôtre à la vertu des Corinthiens ? Oui, les Corinthiens, qui aimaient ce pécheur, qui l’approuvaient ad point de sen glorifier, l’eurent ensuite en si grande aversion que saint Paul dût les exhorter à se montrer charitables envers lui. Admirez la vertu du maître, admirez la vertu des disciples ! Les disciples se montrent dociles, le maître les dirige avec une rare sagesse. S’il en était ainsi de nos jours, tant de fautes ne passeraient pas inaperçues. Il faut aimer, il faut montrer de l’aversion, sans doute, mais toujours à propos, et jamais sans motif.
« Je vous ai écrit pour me convaincre par expérience de votre obéissance en toutes choses (9) ». C’est-à-dire, quand il s’agit de rétablir parmi les fidèles, comme quand il s’agit d’exclure de leur société. Voyez-vous comme il sait, ici encore, leur inspirer un sentiment de crainte ? Quand cet homme eut péché, il sut les faire trembler pour les amener à se détourner de lui : « Ne savez-vous pas », leur disait-il, « qu’un peu de levain suffit pour corrompre toute la masse ? » (1Cor. 5,6) De même, il leur fait redouter les suites d’une désobéissance, en leur tenant à peu près ce langage. Comme par le passé vous avez agi dans votre intérêt aussi bien que dans l’intérêt du coupable ; maintenant encore, vous devez rechercher votre avantage autant que le sien, et ne montrer ni obstination, ni dureté, ni désobéissance. Et voilà pourquoi il leur dit : « Je vous ai écrit pour me convaincre par expérience de votre obéissance en toutes choses ». L’obéissance qu’ils avaient montrée d’abord, pouvait être imputée à la jalousie, à la haine ; ici, c’est une obéissance évidemment pure de tout mauvais sentiment ; et qui ne s’exerce qu’en vue de la miséricorde. Les vrais disciples, les disciples bien disposés, après avoir obéi, quand il s’agissait de punir, obéiront encore maintenant qu’il s’agit de pardonner. Aussi l’apôtre disait-il : « En toutes choses ». Sils refusent d’obéir ; la honte sera pour eux plutôt que pour lui, car on les regardera comme des hommes pleins d’obstination. Il veut donc par là les amener à l’obéissance,