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vous à ceux qui sont humbles », c’est-à-dire : Descendez jusqu’à l’humilité du pauvre, allez avec lui, souffrez qu’il vous accompagne. Et qu’il ne vous suffise pas de vous abaisser, par les sentiments, jusqu’à lui, faites plus, secourez-le, tendez-lui la main, sans avoir recours à un intermédiaire ; faites par vous-même, comme le père qui a souci de son enfant, comme la tête qui ne se sépare pas du corps ; c’est une pensée que l’apôtre exprime ailleurs : « Comme si vous étiez vous-mêmes enchaînés avec eux ». (Héb. 13,3) Maintenant, par ceux qui sont humbles, l’apôtre n’entend pas seulement les humbles d’esprit, mais ceux qui sont vils et méprisables.
« Ne soyez point sages à vos propres yeux » ; c’est-à-dire ne pensez pas vous suffire à vous-mêmes. L’Écriture, ailleurs, dit encore : « Malheur à vous qui êtes sages selon vous et qui êtes prudents à vos propres yeux ». (Is. 5,21) L’apôtre entreprend donc encore une fois de saper l’orgueil, de rabattre l’enflure, de corriger l’arrogance. Il n’est pas de principe de séparation, de déchirement dans le corps de l’Église aussi tristement, puissant que la pensée qu’on se suffit à soi-même voilà pourquoi Dieu a voulu que nous eussions besoin les uns des autres. Tout sage que vous êtes, vous aurez besoin d’un autre, et s’il vous arrive de penser que vous n’en avez pas besoin, vous êtes tout à fait dépourvu et d’intelligence et de sens. L’homme ainsi disposé se privera de tout secours ; dans les péchés qu’il pourra commettre, il ne rencontrera ni la correction ni le pardon ; il ne fera qu’irriter Dieu par son arrogance et accumuler ses péchés. Car on peut voir, on voit souvent même le sage ignorer ce qu’il faut faire, et celui qui a moins d’intelligence, trouver la conduite à tenir ; c’est ce qu’on voit dans Moïse et son beau-père ; dans Saül et son serviteur, dans Isaac et Rébecca. Ne pensez donc pas qu’il soit humiliant pour vous d’avoir besoin d’un autre : c’est, au contraire, ce qui vous élève, vous fortifie, rehausse votre éclat, fait votre plus grande sûreté.
« Ne rendez à personne le mal pour le mal (17) ». Si vous reprochez à un autre de vouloir vous faire du mal, pourquoi vous exposer vous-même à cette accusation ? S’il a mal fait, pourquoi ne craignez-vous pas de l’imiter ? Maintenant voyez que l’apôtre ne fait ici aucune distinction, c’est une loi absolue qu’il établit. Il ne dit pas : Ne rendez pas le mal au fidèle ; mais : « Ne rendez à personne le mal pour le mal », ni au gentil, ni au scélérat, à personne, à qui que ce soit. – « Ayez soin de faire le bien, devant tous les hommes ; vivez en paix, si cela se peut, autant qu’il est en vous, avec toutes sortes de a personnes (18) ». C’est-à-dire : « Que votre lumière luise devant les hommes ». (Mt. 5,16) Non pas pour vivre en vue de la vaine gloire, mais de manière à ne pas donner prise à nos ennemis. Ce qui fait que l’apôtre dit ailleurs aussi : « Ne donnez pas occasion de scandale ni aux Juifs, ni aux Gentils, ni à l’Église de Dieu ». (1Cor. 10,32) Ce précepte est expliqué à propos par ces paroles : « Si cela se peut, autant qu’il est en vous ». Car il est des circonstances où c’est impossible, par exemple, lorsqu’il est question de religion, lorsqu’il s’agit de défendre des opprimés. Et qu’y a-t-il d’étonnant qu’entre les hommes la paix ne soit pas toujours possible, lorsque l’apôtre reconnaît, entre le mari et la femme, la rupture possible : « Si la partie infidèle se sépare, qu’elle se sépare ? » (1Cor. 7,15) Ce que dit l’apôtre revient à ceci : Faites ce qui dépend de vous et ne fournissez de sujet de querelles et de discordes à personne, ni au Juif, ni au Grec ; mais si vous voyez la religion attaquée, ne sacrifiez pas la vérité à la concorde, mais luttez généreusement jusqu’à la mort, et, même en cette circonstance, ne portez pas la guerre dans votre âme, ne concevez pas d’aversion ni de haine, combattez par vos œuvres seules, car c’est là ce que veut dire : « Autant qu’il est en vous, vivez en paix avec toutes sortes de personnes ». Et si votre adversaire ne conserve pas la paix, n’allez pas remplir votre âme de tempêtes, mais d’intention, comme je l’ai dit ; restez l’ami de celui que vous combattez, et ne trahissez en aucun lieu la vérité. « Ne vous vengez point vous-mêmes, mes bien-aimés, mais donnez lieu à la colère, car il est écrit : C’est à moi que la vengeance est réservée, et c’est moi qui la ferai, dit le Seigneur (19) ». A quelle colère ? à celle de Dieu. Ce que l’opprimé désire surtout, c’est de jouir de la vengeance ; Dieu satisfait abondamment la victime ; si vous ne vous vengez pas vous-même, vous aurez Dieu pour vengeur. Laissez-lui donc ce soin, dit l’apôtre :