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point tout attribuer à Dieu ; car, si cela était, rien n’empêcherait que tous fussent sauvés ; mais il veut encore une fois indiquer la prescience, et effacer la distance entre les Juifs et les gentils. Il tire aussi de là un moyen de défense qui n’est pas sans valeur. En effet, ce n’est pas seulement chez les Juifs, mais aussi chez les gentils que les uns sont perdus et les autres sauvés. Aussi ne dit-il pas : Tous les gentils, mais : « D’entre les gentils » ; ni Tous les Juifs, mais : « D’entre les Juifs ». Comme donc Pharaon est devenu vase de colère par sa propre iniquité ; ainsi les autres sont devenus des vases de miséricorde par leurs bonnes dispositions. Si le principal appartient à Dieu, nous avons cependant aussi fourni quelque petite chose. Voilà pourquoi Paul ne dit pas : Des vases de mérites, ni : Des vases de confiance ; mais : « Des vases de miséricorde », pour montrer que tout doit être rapporté à Dieu. Quant à ces mots : « Cela ne dépend ni de celui qui vent, ni de celui qui court », bien qu’ils soient là en forme d’objection, ils ne nous causeraient aucun embarras, même quand Paul les aurait dits pour son propre compte. En disant : « Cela ne dépend ni de celui qui veut ni de celui qui court », il ne détruit point la liberté ; mais il indique que tout ne dépend pas d’elle et qu’elle a besoin de la grâce d’en haut, il faut en effet vouloir et courir, mais ne point compter sur ses propres efforts, et seulement sur la bonté de Dieu : ce qu’il exprime ailleurs en ces termes : « Non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu avec moi ». (1Cor. 15,10) Il a aussi raison de dire : « Qu’il a préparés pour la gloire ». Car, comme on leur faisait un crime d’avoir été sauvés par la grâce, et qu’on croyait par là les couvrir de honte, il combat victorieusement cette opinion. En effet, si Dieu en a retiré de la gloire, à bien plus forte raison eux-mêmes par qui Dieu a été glorifié.
Et voyez la reconnaissance de Paul et sa grande sagesse ! Il pouvait ne pas choisir Pharaon comme exemple de punition, mais ceux des Juifs qui avaient été punis, et par là se mieux faire comprendre, en montrant que chez les mêmes ancêtres, pour les mêmes péchés, les uns ont été détruits et les autres ont obtenu miséricorde ; il aurait ainsi prouvé qu’il n’y a pas lieu de s’étonner si quelques gentils se sauvent, quand des Juifs périssent.
Mais pour ne pas les blesser, il fait voir la punition chez un étranger, pour se dispenser de les appeler vases de colère, et il leur montre dans leur propre nation ceux qui ont obtenu miséricorde. Pourtant il justifie Dieu suffisamment, puisque connaissant parfaitement Pharaon et le voyant se faire lui-même vase de colère, Dieu a cependant fait tout ce qui était en lui, usé de tolérance, de longue patience, non seulement de longue, mais de grande patience, tandis qu’il n’en a point agi de même à l’égard des Juifs. Pourquoi donc les uns ont-ils été des vases de colère, et les autres des vases de miséricorde ? À cause de leur propre volonté. Mais Dieu étant infiniment bon, s’est montré tel à l’égard des uns et des autres. Il n’a pas eu seulement pitié de ceux qui ont été sauvés, mais, autant qu’il était en lui, de Pharaon lui-même ; car il a déployé la même patience avec les uns et les autres ; que si ce prince n’a pas été sauvé, la faute en est à sa volonté ; car, de la part de Dieu, il n’a rien eu de moins que ceux qui ont été sauvés.
Après avoir ainsi résolu la question par des faits, et pour s’appuyer encore sur d’autres preuves, Paul cite le témoignage des prophètes qui ont exprimé cela d’avance. En, effet Os. dit-il, a écrit depuis longtemps : « J’appellerai celui qui n’est pas mon peuple, mon peuple ; celle qui n’est pas bien-aimée, bien-aimée (25) ». Pour qu’on ne lui dise pas : Vous nous trompez en parlant ainsi, il appelle en témoignage Osée, qui s’écrie : « J’appellerai celui qui n’est pas mon peuple, mon peuple ». Quel est donc ce peuple qui n’est pas son peuple ? Les gentils, évidemment. Qui est celle-là qui n’est pas bien-aimée ? Les gentils encore. Et pourtant il les appelle « Mon peuple, bien-aimée », et déclare qu’ils seront fils de Dieu « Car ils seront appelés enfants du Dieu vivant (26) ». Si on objecte que ces textes doivent s’appliquer aux Juifs qui auront cru, l’argument subsiste encore. Car s’il s’est opéré un tel changement chez les ingrats qui ont abusé de tant de bienfaits, chez les rebelles, chez ceux qui ont, perdu le titre de peuple de Dieu, qui empêche que ceux qui sont étrangers, non après avoir été adoptés, mais dès le commencement, soient appelés, répondent à l’appel et jouissent des mêmes avantages ? Après avoir cité Osée, il ne s’en tient pas là, mais il invoque encore le témoignage d’Isaïe qui parle tout à