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eu lieu. Ce n’était pas pour les rendre inexcusables qu’il avait créé de tels enseignements ; mais pour qu’ils le connussent, et, par leur ingratitude, ils se sont ôté toute excuse. Et pour faire voir comment ils sont inexcusables, l’apôtre ajoute : « Parce que ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu, ou ne lui ont point rendu grâces… (21) ».
Voilà un premier crime, et il est énorme. Un second, c’est qu’ils ont adoré les idoles, comme Jérémie les en accusait en disant « Ce peuple a commis deux iniquités ; ils m’ont abandonné, moi la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes percées ». (Jer. 2,13) Ensuite pour preuve que, connaissant Dieu, ils n’ont point usé de cette connaissance comme ils le devaient, Paul donne ce signe qu’ils ont reconnu des dieux ; ce qui lui fait dire : « Parce qu’ayant connu Dieu, ils ne l’ont point glorifié comme Dieu ». Et il donne la raison de cette immense folie. Quelle est-elle ? Ils ont tout remis aux raisonnements. Il ne dit pas cela aussi simplement, mais avec beaucoup plus de force : « Mais ils se sont perdus dans leurs pensées, et leur cœur insensé a été obscurci ». Car de même que celui qui s’engage dans un chemin inconnu, ou se met en mer par une nuit obscure, périt bientôt, bien loin d’atteindre son but : ainsi ces hommes, en essayant de suivre la voie qui mène au ciel, en s’ôtant la lumière pour lui substituer leurs propres raisonnements, en cherchant dans les corps celui qui n’a pas de corps, dans les figures celui qui n’a pas de figure, ont fait le plus misérable naufrage. Outre cela, Paul donne encore une autre raison de leur erreur, quand il dit : « En disant qu’ils étaient sages, ils sont devenus fous (22) ». Ayant une haute idée d’eux-mêmes, et dédaignant de suivre la voie que Dieu leur avait tracée, ils se sont noyés dans leurs folles pensées. Ensuite dépeignant ce naufrage et faisant voir combien il était triste et inexcusable, il ajoute : « Et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles (23) ».
3. Voilà le premier chef d’accusation, ils n’ont pas trouvé Dieu ; le second, ils en ont eu de grandes et évidentes occasions ; le troisième, ils se sont dits sages ; le quatrième, non seulement ils n’ont pas trouvé Dieu, mais ils ont prostitué leur culte aux démons, à la pierre et au bois. Il combat aussi cet orgueil dans, son épître aux Corinthiens, mais non de la même manière qu’ici. Là il les condamne par la croix, en disant : « Car ce qui est folie en Dieu est plus sage que les hommes » (1Cor. 1,25) ; ici, sans établir de comparaison, il raille cette sagesse en elle-même, démontrant qu’elle est une folie et une preuve d’orgueil. Et pour vous bien faire comprendre qu’ils avaient la connaissance de Dieu et qu’ils l’ont trahi, il se sert de cette expression : « Ils ont changé ». Or celui qui change a quelque chose à donner en place. Ils voulaient trouver davantage et dépasser les bornes fixées ; par là ils ont perdu ce qu’ils avaient, car ils étaient avides de nouveauté. Tels ont été les Grecs en tout. Voilà pourquoi ils né s’accordaient point entre eux ; Aristote combattit Platon, puis les Stoïciens déblatérèrent contre lui, et d’autres guerres se déclarèrent ; en sorte qu’ils sont moins admirables pour leur sagesse que dignes d’aversion et de haine pour la folie qui en est résultée. Car ils n’eussent point éprouvé un tel sort, s’ils n’avaient tout confié à leurs propres raisonnements, à leurs argumentations et à leurs sophismes. Ensuite, poursuivant ses accusations, Paul se raille de toutes leurs idolâtries. C’est surtout l’échange qui est ridicule ; avoir échangé Dieu contre de tels objets, c’est absolument inexcusable. Voyez en effet contre quoi ils ont échangé et à quels êtres ils ont conféré la gloire. Il a fallu imaginer que tel être était Dieu, maître de toutes choses, créateur capable de pourvoir et d’administrer : car c’est là la gloire de Dieu. Et à qui l’ont-ils attribuée, cette gloire ? Non à des hommes, mais à une image représentant un homme corruptible.
Et ils ne s’en sont pas tenus là, mais ils sont descendus jusqu’à des animaux stupides, voire même aux images de ces animaux. Et voyez la sagesse de Paul : comme il pose les deux extrêmes, Dieu, l’être suprême et les reptiles les plus vils, et non seulement les reptiles, mais leurs images, pour mieux faire ressortir leur folie. Car la notion qu’il fallait avoir de l’Être incomparablement le plus grand, ils l’ont appliquée à ce qu’il y a incomparablement de plus vil. Eh ! qu’est-ce que cela fait aux philosophes, direz-vous ? Ce sont eux surtout que cela regarde. Car ils ont pour maîtres les Égyptiens, inventeurs de ces choses : Platon, qui passe pour le plus digne d’entre eux,