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bien plus de grandeur encore dans cette conduite que dans celle du patriarche. De retour après sa victoire, le roi lui offrant des dépouilles, Abraham refusa de rien recevoir, (Gen. 14,23-24) ; excepté ce que ses gens auraient pris pour leur nourriture ; mais Paul n’accepta pas même la nourriture qui lui était nécessaire, et, de plus, il ne permit pas à ses compagnons de l’accepter, et il ferma victorieusement la bouche à ses détracteurs effrontés. Aussi ne se borne-t-il pas à une simple affirmation, il ne dit pas que ses envoyés n’ont rien reçu ; mais, ce qui est bien plus significatif, il invoque le témoignage des Corinthiens eux-mêmes, comme quoi ils, n’ont rien reçu ; ce n’est pas lui qui décide la question de sa propre autorité, ce sont les Corinthiens eux-mêmes qui prononcent ; c’est la conduite que nous tenons d’ordinaire dans les faits qui sont incontestés, et qui nous laissent toute notre confiance. Répondez donc, leur dit-il, y en a-t-il un seul de ceux que nous vous avons envoyés qui ait fait un bénéfice sur vous ? Il ne dit pas qui ait reçu de vous quelque chose ; il se sert de l’expression « Faire d’injustes profits », s’enrichir aux dépens de quelqu’un ; l’expression est vive, mordante, c’est pour montrer que recevoir de celui qui ne veut pas donner, c’est chercher, avant tout, à faire un injuste profit. Et il ne dit pas, dans sa première interrogation : Tite a-t-il, mais : « Me suis-je servi de ceux que je vous ai envoyés ? » Vous ne pouvez pas dire qu’un tel n’a pas reçu, mais que tel autre a reçu. Personne n’a rien reçu.
« J’ai prié Tite ». L’expression est éloquente. Il ne dit pas : J’ai envoyé Tite, mais : « Je l’ai prié », montrant par là que, même s’il avait reçu quelque chose, il aurait usé de son droit ; toutefois il a montré une grande rigidité. Voilà pourquoi, dans sa seconde interrogation, il dit : « Tite a-t-il fait quelque bénéfice sur vous ? N’avons-nous pas suivi le même esprit ? » Qu’est-ce à dire, « Le même esprit ? » Il attribue le tout à la grâce, il montre que tout ce qu’il y a de glorieux dans cette conduite ne vient pas de son énergie, de son courage, que c’est un pur don de l’Esprit, un bienfait de la grâce. En effet, c’était une grâce insigne que de supporter l’indigence, la faim, et de ne rien recevoir afin d’édifier les disciples. « N’avons-nous pas marché sur les mêmes traces ? » Ce qui veut dire : ils n’ont pas bronché, ils ont toujours montré la même rigidité.
« Pensez-vous que ce soit encore ici notre dessein de nous justifier devant vous (19) ? » Voyez-vous cette peur qui ne le quitte pas de passer pour un flatteur ? Voyez-vous avec quelle sagesse apostolique il reprend sans cesse la même pensée ? Il a commencé par dire : « Nous ne prétendons point nous relever encore ici nous-même, mais vous donner une occasion de vous glorifier » (2Cor. 5,12) ; et, au commencement de l’épître : « Avons-nous besoin de lettres de recommandation ? » (2Cor. 3,1) « Tout ce que nous vous disons ici, est pour votre édification ». Il y a un changement de ton dans ces dernières paroles de notre texte ; elles sont caressantes. L’apôtre ne dit pas ouvertement aux fidèles : c’est pour ménager votre faiblesse que nous ne voulons rien recevoir de vous ; mais nous voulons vous édifier ; il parle d’une manière plus explicite qu’auparavant, il découvre la pensée dont il est pressé de se délivrer, il le fait toutefois sans les heurter. Il ne dit pas : c’est à cause de votre faiblesse, mais : c’est afin que vous soyez édifiés.
« Car j’appréhende qu’arrivant vers vous, je ne vous trouve pas tels que je voudrais, et que vous ne me trouviez pas non plus tel que vous voudriez (20) ». Au moment de faire entendre une parole sévère, pénible, il s’excuse ; il vient de dire : « Tout ce que nous vous disons ici, est pour votre édification » ; il ajoute : « Car j’appréhende », afin d’adoucir l’amertume de ce qu’il prépare. Il n’y a là ni orgueil insolent, ni cette confiance que donne à un maître son autorité ; Paul montre ici la sollicitude d’un père, il éprouve plus de crainte que tes pécheurs mêmes, il tremble au moment de les corriger. Ce n’est pas tout, il rie tombe pas sur eux sans hésitation, il ne s’exprime pas de manière à tout dire, il est incertain : « J’appréhende qu’arrivant vers vous, je ne vous trouve pas tels que je voudrais » ; il ne dit pas : attachés à toutes les vertus, mais : « Tels que je voudrais » ; toutes ses expressions respirent l’amitié. Ces mots : « Que je ne vous trouve pas », marquent une attente trompée, il en est de même de : « Et que vous ne me trouviez pas non plus ». Car ce ne peut être un effet assuré de aria volonté, mais le résultat d’une nécessité dont la cause est en vous ; de là cette expression. « Que vous ne me trouviez