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ne sois rien, les marques de mon apostolat ont paru parmi vous (12) ».
Ne regardez pas, dit-il, si je suis misérable et petit, mais seulement si vous n’avez pas trouvé en moi tout ce que vous deviez attendre d’un apôtre. Et il ne dit pas : encore que je sois misérable, mais, ce qui exprime plus d’abaissement encore : « quoique je ne sois rien ». En effet, qu’importé que vous soyez grand, si vous n’êtes utile à personne ? Il ne sert absolument de rien qu’un médecin, par exemple, ait de l’habileté, s’il ne guérit jamais ses malades. Ne recherchez donc pas, dit-il, s’il est vrai que je ne suis rien ; mais considérez donc, en ce qui concerne le bien à vous faire, que je n’ai été inférieur en rien à personne, mais que je vous ai donné la preuve de mon apostolat. Je n’aurais donc pas dû être obligé de parler de moi. Ce n’est pas qu’il sentît le besoin d’être recommandé auprès des hommes ; comment aurait-il pu tenir à de pareils titres, lui qui ne comptait pour rien le ciel même pour l’amour de Jésus-Christ ? Mais c’est qu’il était possédé du désir de les sauver. Ensuite, comme on aurait pu lui dire : Et que nous fait à nous que vous n’ayez en rien été inférieur aux plus éminents d’entre les apôtres, il ajoute : « Les marques de mon apostolat ont paru parmi vous, dans toute sorte de patience, et dans les miracles et dans les prodiges ». Ah ! quelle mer d’œuvres magnifiques franchie d’un bond par lui en ces courtes paroles ? Or, voyez ce qu’il met en premier lieu : la patience. Voilà, en effet, la marque de l’apôtre : tout souffrir avec un noble courage. Voilà ce qu’indique une expression si courte ; quant aux miracles ; qui n’étaient pas des fruits de sa vertu propre, il en parle en plus de mots. Considérez combien de prisons, combien de coups, combien de dangers, combien de pièges perfides, combien d’épreuves il fait entendre ici, combien de guerres intestines, combien de guerres avec les étrangers, combien de douleurs, combien d’assauts renferme ce simple mot de patience ! Et maintenant, par ce mot de miracle, comprenez combien de morts ressuscités, combien d’aveugles guéris, combien de lépreux purifiés, combien de démons chassés ! En entendant ces paroles, apprenons, nous aussi, quand la nécessité nous contraint à parler de nous à notre avantage, à couper court le chapitre de nos perfections, à imiter l’apôtre.
2. Ensuite, comme on aurait pu lui dire : si vous êtes grand, si vous avez beaucoup fait, toutefois vous n’avez pas tant fait que les apôtres des autres Églises, il ajoute : « Car en quoi avez-vous été inférieurs aux autres Églises (13) ? » Vous n’avez pas eu, en fait de grâces, une moindre part que les autres. Mais, dira-t-on peut-être, pourquoi se tourne-t-il maintenant vers les apôtres ; après avoir engagé le combat contre les faux apôtres, pourquoi le cesse-t-il ? C’est pour relever tout à fait les courages, c’est pour montrer, non seulement qu’il vaut mieux que ces faux docteurs, mais qu’il ne le cède en rien aux grands apôtres. Voilà pourquoi, quand il parle des prétendus ministres de Jésus-Christ, il dit : « Je le suis plus qu’eux » ; mais quand c’est aux apôtres qu’il se compare, il se contente de ne leur être pas inférieur, quoiqu’il ait travaillé plus qu’eux. Et par là il montre aux fidèles qu’ils outragent les apôtres, en le mettant, lui leur égal, au-dessous des faux docteurs. « Si ce n’est en ce que je n’ai point voulu vous être à charge ». Ici le reproche est sévère ; il y a plus de sévérité encore dans ce qui suit : « Pardonnez-moi ce tort que je vous ai fait ». Toutefois cette sévérité n’exclut ni l’affection ni l’éloge, puisque Paul suppose que les Corinthiens tenaient pour une injure son refus de rien accepter d’eux, ainsi que le manque de confiance qu’il leur témoignait en ne voulant pas qu’ils le nourrissent. Si vous m’accusez, (il ne dit pas : vous faites mal de m’accuser ; son expression est pleine de douceur), je demande mon pardon, accordez-moi ma grâce. Voyez sa sagesse : aussitôt qu’il leur a adressé ce reproche, aussitôt il les en veut consoler. Plus haut, après leur avoir dit : « La vérité de Jésus-Christ est en moi, on n’arrêtera point le cours de ma gloire », il ajoutait : « Est-ce que je ne vous aime pas ? Dieu le sait ; mais je veux retrancher une occasion de se glorifier, à ceux qui veulent trouver cette occasion en paraissant semblables à nous ». (Il Cor. 11,10-12) Et, dans la première épître : « En quoi trouverai-je donc ma récompense ? En prêchant gratuitement l’Évangile que je prêche ». (1Cor. 9,18) Ici, même précaution : « Pardonnez-moi ce tort que je vous ai fait ». Car il tient toujours à dissimuler que c’est leur faiblesse qui est cause qu’il ne veut rien recevoir d’eux ; voilà pourquoi, ici