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voit en moi, ou de ce qu’on entend dire de moi ».
Cette raison est véritable, on prenait les apôtres pour des dieux, à cause des miracles qu’ils faisaient. (Act. 4,10) De même qu’en créant les éléments, Dieu a fait deux choses, il les a créés à la fois faibles et éclatants ; éclatants, afin qu’ils publiassent sa puissance ; faibles, afin de prévenir l’égarement des hommes ; de même, les apôtres étaient à la fois admirables et faibles, de manière à instruire, par leurs œuvres mêmes, les infidèles. Si on ne les eût jamais vus qu’admirables, ne montrant aucun signe de faiblesse, c’est en vain qu’ils auraient voulu empêcher le peuple de soupçonner en eux une nature supérieure à la nature humaine ; non seulement ils n’y seraient pas parvenus, mais ils auraient produit un effet tout opposé. Les refus qu’ils auraient opposé aux louanges, auraient été regardés comme des preuves de leur modestie, et n’auraient fait qu’ajouter à l’admiration pour eux. C’est ce qui explique pourquoi leur conduite, leurs actions révélaient leur faiblesse. Témoin, les personnages de l’Ancien Testament. Élie, cet homme admirable, donna parfois des marques de timidité ; de même ce grand Moïse, qui, lui aussi, par la même faiblesse, prit la fuite. Ce qui leur arrivait parce que Dieu se retirait d’eux, afin que la nature humaine fût confondue en leur personne. Car si l’on entend les Israélites demander, après leur sortie d’Égypte, où donc est Moïse, supposez qu’il les eût encore introduits dans la Palestine, que n’eussent-ils pas dit ? Voilà donc pourquoi Paul dit : « Je me retiens de peur « qu’on ne m’estime… » Il ne dit pas, de peur qu’on ne dise, mais, de peur qu’on ne s’imagine que ma valeur est plus considérable. De sorte que, par là encore, il est évident que c’est de lui-même qu’il parle dans tout ce passage. Voilà pourquoi il disait en commençant « Il ne m’est pas avantageux de me glorifier ». Ce qu’il n’aurait pas dit s’il se fût proposé de parler d’un autre, car quel inconvénient y a-t-il à se glorifier au sujet d’un autre ? C’était bien lui qui avait été honoré de ces révélations. De là, les paroles qu’il ajoute : « Aussi, de peur que la grandeur de mes révélations ne m’inspirât de la hauteur, j’ai ressenti dans ma chair un aiguillon, qui est un ange de Satan, pour me souffleter (7) ».
Que dites-vous ? Celui qui regardait la royauté comme un pur néant, qui ne tenait aucun compte de la géhenne pour l’amour de Jésus-Christ, il attachait à la gloire que donne la foule assez de prix pour s’enorgueillir, pour avoir besoin d’un frein continuel ? Il ne dit pas, un ange qui me soufflettera, mais, « qui est un ange de Satan, pour me souffleter ». Actuellement, qu’est-ce que cela veut dire ? Que signifie donc cette parole ? Il nous faut d’abord découvrir ce que peut être cet aiguillon, et ce que peut être cet ange de Satan, et alors nous comprendrons. Quelques interprètes ont été d’avis qu’il fallait entendre par là une certaine douleur de la tête,.que le démon lui communiquait ; mais n’en croyons rien. Le corps de Paul n’aurait pas pu être livré aux mains du démon, puisque le démon lui-même cédait à un simple commandement de Paul ; puisque l’apôtre lui dictait des lois, lui fixait des limites, lui livrait le fornicateur pour mortifier sa chair (1Cor. 5,5), et que Satan n’aurait pas osé s’attaquer à d’autres. Que signifie donc cette parole de Paul ? Satan, dans la langue des Hébreux, veut dire adversaire, et c’est le nom que l’Écriture donne, dans le troisième livre des R. à ceux qui se portent comme adversaires, et, à propos de Salomon, elle dit : « Il n’y avait pas de satan dans les jours de ce roi » (1R. 5,4), c’est-à-dire, d’adversaires faisant la guerre, ou suscitant des troubles. Ce que dit l’apôtre signifie donc : Dieu n’a pas permis que la prédication se répandît sans obstacles ; pour rabaisser notre orgueil, il a laissé nos adversaires nous attaquer. Car c’est là ce qui pouvait abattre l’orgueil, beaucoup plus que ce qui n’eût rien fait, à savoir une douleur de tête. Par ange de Satan, l’apôtre entend donc Alexandre, l’ouvrier en bronze, Hyménée, Philète, et enfin tous les adversaires de la parole, qui disputaient contre lui, qui lui faisaient la guerre, qui le jetaient en prison, qui le meurtrissaient, qui l’emportaient pour lui faire subir leurs violences, qui accomplissaient contre lui les œuvres de Satan. Donc, de même qu’il appelle fils du démon, les Juifs ardents à produire les œuvres du démon, de même, il appelle ange de Satan, tout homme qui faisait obstacle à la prédication. Voilà donc pourquoi il dit : « J’ai ressenti un aiguillon… pour me « souffleter » ; ce n’est pas Dieu qui donnait des armes à de tels ennemis, loin de nous cette pensée, mais Dieu ne les châtiait pas, ne