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comparait aux apôtres ; quand il ne fallait que s’expliquer sur une prétendue infériorité, il ne procédait plus de même ; on le voit alors s’attacher à ce qu’on attaque, et prouver que ce que l’on prend pour un désavantage est au contraire un avantage réel. Quand aucune nécessité ne le presse, il se nomme le dernier des apôtres, il se déclare indigne de porter ce titre ; mais aussi, dans d’autres circonstances, il affirme qu’il n’a été inférieur en rien aux plus grands des apôtres. C’est qu’il savait bien que ces paroles seraient de la plus grande utilité pour les disciples. Aussi ajoute-t-il : « Mais nous nous sommes montrés à découvert parmi vous, en toutes choses ». Il faut voir ici une nouvelle accusation contre les faux apôtres qui usaient de dissimulation. Il avait déjà déclaré en parlant de lui-même qu’il ne prenait pas de masque, qu’il n’y avait ni esprit de fraude, ni amour du gain dans sa prédication. Au contraire, les personnages dont il parle, étaient autres en réalité qu’en apparence ; mais l’apôtre ne leur ressemblait pas. Aussi le voit-on partout se féliciter de ne rien faire pour une gloire humaine, de ne rien cacher de ses actions. Il disait aussi auparavant : « C’est par la manifestation de la vérité que nous nous recommandons à toute conscience d’homme » (2Cor. 4,2) ; et maintenant c’est la même pensée qu’il exprime : « Nous « nous sommes montrés à découvert parmi « vous, en toutes choses ». Or qu’est-ce que cela veut dire ? Nous avons peu d’instruction, dit-il, et nous ne nous en cachons pas ; nous recevons de quelques-uns, et nous ne gardons pas le silence. Donc, nous recevons de vous, et nous n’affectons pas de ne rien recevoir, comme font ceux-ci qui reçoivent ; nous rendons tout manifeste à vos yeux. Langage d’un homme rempli de confiance pour ceux à qui il s’adresse, et qui ne dit rien que de vrai. Ce qui fait qu’il les prend eux-mêmes à témoin, et maintenant en leur disant, « parmi vous », et auparavant quand il leur écrivait : « Je ne vous écris que des choses dont vous reconnaissez la vérité, ou après les avoir lues ». (2Cor. 1,13)
Ensuite, après s’être justifié, il ajoute sévèrement : « Est-ce que j’ai fait une faute, en m’abaissant moi-même, afin de vous élever (7) ? » Pensée qu’il explique ainsi. « J’ai dépouillé les autres églises, en recevant d’elles l’assistance, pour vous servir (8) ». C’est-à-dire, je me suis trouvé dans la gêne ; car c’est là le sens de « m’abaissant moi-même ». Est-ce donc là ce que vous avez à me reprocher ? et vous vous élevez contre moi, parce que je me suis abaissé moi-même, parce que j’ai mendié, j’ai été pauvre, j’ai souffert de la faim pour vous élever ? Mais comment ceux-ci étaient-ils élevés, pendant que Paul était dans la pauvreté ? Ils n’en étaient que plus édifiés, ils n’y trouvaient aucun sujet de scandale. C’était par où ils méritaient le plus d’être accusés, c’était la marque la plus honteuse de leur faiblesse, que l’impossibilité où se trouvait l’apôtre de les relever, s’il ne commençait pas par se rabaisser lui-même. Est-ce donc là ce que vous me reprochez, que je me suis soumis à l’abaissement ? Mais c’est de cette manière que vous avez été élevés. Il a dit d’abord que ses adversaires lui reprochaient de paraître méprisable vu de près, de n’avoir de fierté qu’à distance ; il se justifie donc, et en même temps il fustige ses détracteurs : c’est pour vous, leur dit-il, que « j’ai dépouillé les autres églises ». Dès ce moment, il prend le ton du reproche, mais ce qui précède rend ce reproche plus facile à supporter. Il a dit en effet : supportez un peu mon imprudence, et, avant toutes ses autres bonnes œuvres, c’est de son désintéressement qu’il se glorifie. C’est en effet ce que le monde aime surtout, et c’est aussi de quoi se vantaient ses adversaires. Aussi l’apôtre ne parle-t-il pas d’abord des périls qu’il a bravés, des signes miraculeux qu’il a fait paraître ; il parle d’abord de son mépris pour l’argent, puisqu’ils s’enorgueillissaient au même titre : en même temps l’apôtre fait entendre qu’ils sont riches.
4. Ce que Paul a d’admirable, ici, c’est qu’au lieu de dire, comme il pouvait le faire, que ses mains le nourrissaient, il ne le dit pas ; il tourne sa phrase de manière à les faire rougir sans chanter ses louanges : j’ai reçu des autres, voilà ce qu’il exprime. Et il ne dit pas j’ai reçu, mais : « J’ai dépouillé », c’est-à-dire, j’ai mis à nu, je les appauvris. Et, ce qui est plus fort, ce n’est pas pour se procurer l’abondance, mais pour s’assurer du nécessaire ; l’assistance dont il parle, marque la nourriture nécessaire. Et, ce qui est plus grave : « Pour vous servir ». C’est à vous que nous prêchons, c’est de vous que je devais recevoir ma nourriture, c’est des autres que je l’ai reçue. Double faute, triple faute plutôt : il était auprès