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a besoin des pluies, d’un temps favorable ; mais ce qu’elle requiert avant tout, ce sont les soins de la Providence : « Car ni celui qui plante, ni celui qui arrose, ne sont rien ; c’est Dieu qui donne l’accroissement ». (1Cor. 3,7) Là encore il y a vie et mort, il y a enfantement laborieux, comme dans l’espèce humaine. On arrache les arbres, ils portent des fruits, ils meurent ; et la mort est suivie d’une résurrection ; en sorte que la terre elle-même nous prêche de mille manières la résurrection de nos corps. Quand la racine porte des fruits, quand elle produit des semences, n’est-ce pas là une résurrection ? Une étude approfondie de cet art y découvre partout la Providence et la sagesse de Dieu. Mais, pour revenir à notre sujet, le pouvoir de l’agriculture a pour objet la terre et ses plantes ; le nôtre a pour objet les âmes. Quelle distance des plantes aux âmes ! Combien par conséquent l’un de ces pouvoirs ' est supérieur à l’autre ! Autant il vaut mieux commander à des êtres qui consentent qu’à des créatures qui s’y soumettent par force, autant ceux qui commandent dans l’Église l’emportent sur les chefs de la société civile. Le commandement ecclésiastique est vraiment celui qui convient à notre nature. Hors de l’Église, c’est la crainte et la nécessité qui déterminent à agir ; dans l’Église, on fait le bien librement et sans contrainte. Ce n’est pas seulement par là que le gouvernement ecclésiastique vaut mieux que le gouvernement politique ; on peut dire encore que c’est moins un gouvernement qu’une paternité. Il commande avec une douceur toute paternelle ; et tout en prescrivant de plus grandes choses, il n’emploie que la persuasion. Le prince dit : « Si vous commettez un adultère, c’en est fait de vous ». Le gouvernement ecclésiastique va jusqu’à vous menacer de peines très-graves, si vous portez sur une femme des regards immodestes. Le tribunal de l’Église est un tribunal auguste, qui n’atteint pas seulement le corps, mais aussi l’âme elle-même.
5. Il y a entre les deux gouvernements la même différence qu’entre le corps et l’âme. Le pouvoir civil ne juge que les crimes extérieurs, et encore ne les juge-t-il pas tous, mais seulement ceux qu’il a découverts. Bien souvent même, il fait semblant de les ignorer. Au contraire, notre tribunal avertit les accusés qu’un jour viendra où le Juge suprême manifestera aux regards du monde entier toutes les fautes dont on se sera rendu coupable ; et que là il n’y aura pas moyen de les cacher. Ainsi donc la loi du christianisme protégé notre vie bien mieux que ne font toutes les lois civiles. Ne vaut-il pas mieux trembler pour des péchés secrets et cachés, que de craindre seulement pour des fautes rendues publiques ? Ne se tiendra-t-on pas davantage sur ses gardes ? En punissant pour des fautes légères, n’excite-t-on pas mieux à la pratique de la vertu qu’en punissant seulement pour des fautes énormes ? Il est donc bien certain que le pouvoir ecclésiastique fait beaucoup plus que les autres pour le bien de l’humanité.
Examinons encore l’élection des chefs de l’Église et celle des chefs de la société civile ici encore nous trouverons la même différence. Ce n’est pas avec de l’argent que l’on obtient les dignités ecclésiastiques, mais bien en faisant preuve d’une vie irréprochable. Celui que l’on y élève, ne doit pas avoir en vue la gloire humaine et le repos, mais le travail, la fatigue et l’utilité des fidèles. Aussi reçoit-il abondamment les grâces de l’Esprit-Saint. Le prince se contente de publier les lois qu’il faut exécuter ; l’évêque y ajoute le secours de ses prières, qui obtiennent la grâce du Seigneur. Dans le gouvernement civil, personne qui enseigne la sagesse, qui apprenne à connaître l’âme, le monde ; qui dise ce que nous deviendrons après cette vie, où nous irons après l’avoir quittée, comment on peut pratiquer la vertu. On ne parle que de marchés, de contrats, de richesses : de la vertu et de sa récompense, pas un mot. Dans l’Église c’est là au contraire l’objet de tous les discours. Aussi peut-on l’appeler, sans craindre de se tromper, un tribunal, une école de médecine ou de sagesse, la carrière où l’âme s’exerce à cette course qui mène au ciel. Si le gouvernement ecclésiastique réclame le plus de diligence, c’est aussi le plus doux des gouvernements, et en voici la preuve. Que le gouvernement civil convainque un homme d’adultère, aussitôt il sévit contre lui. Et quel profit la société peut-elle en retirer ? Ce n’est pas un vice qu’on fait disparaître, c’est une âme que l’on bannit. L’évêque au contraire ne se préoccupe point de punir le coupable ; il veut que le vice disparaisse. Vous, vous ressemblez à un homme qui, au lieu de guérir un mal de tète, couperait fa tête au malade ; pour moi c’est la maladie que je tranche. J’éloigne, il est vrai, le coupable des