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porter à vous condamner vous-mêmes, comme si vous vous fussiez attristés en vain, elle a redoublé votre zèle. Et voici maintenant les marques de ce progrès ; « elle a produit la justification », sous-entendez, auprès de moi ; « l’indignation », contre celui qui avait péché ; « la crainte ». N’était-ce pas, en effet, une preuve de crainte, que ce zèle et cette conversion si prompte ? Mais il ne veut pas qu’on lui reproche un mouvement de vaine gloire ; et c’est pourquoi il modère aussitôt son langage en disant : « Le désir » pour moi ; « l’émulation » pour Dieu ; « la vengeance » ; car vous vous êtes montrés les défenseurs de la loi de Dieu. « En toutes choses dans cette affaire vous vous êtes montrés irrépréhensibles ». non seulement ils ne s’étaient eux-mêmes rendus coupables d’aucun crime, (ce qui était manifeste), mais ils n’avaient en rien favorisé celui de l’incestueux. Dans sa première épître il disait : « Vous avez été enflés d’orgueil ». Dans celle-ci il leur dit : « Vous vous êtes même affranchis de ce soupçon, puisque non seulement vous n’avez point applaudi à ce crime, mais vous vous êtes même indignés contre son auteur.
« Si donc je vous ai écrit, ce n’est ni à cause de celui qui a fait l’injure, ni à cause de celui qui l’a soufferte (12) ». Les Corinthiens auraient pu dire : Pourquoi donc nous faire des reproches, puisque nous n’avons en rien participé au crime ? C’est une objection qu’il voulait prévenir plus haut, et il se frayait, pour ainsi dire, le chemin, en disant : « Je ne me repens pas, quand même j’aurais dû me repentir. Bien loin de me repentir maintenant de ce que je vous ai écrit, je m’en serais repenti autrefois plutôt que maintenant que vous vous montrez si fermes dans le bien. Voyez-vous quelle force de langage ; avec quelle énergie saint Paul réfute l’objection ! et comment il sait la rétorquer ils voudraient le blâmer de leur adresser des reproches non mérités, puisqu’ils ont fait de grands progrès dans la vertu ; et il profite de cette idée pour leur montrer qu’il doit leur parler avec une entière liberté : Il ne refuse point de leur parler avec douceur, quand il le peut. Il leur disait plus haut : « Celui qui fait le mal avec une prostituée, ne fait qu’un avec elle » (1Cor. 6,16) ; et encore : « Livrez cet homme à Satan pour la perte de sa chair » (1Cor. 5,5) ; et encore : « Tous les péchés que l’homme commet sont en dehors de son corps » (1Cor. 6,48) ; et autre chose de ce genre. Comment se fait-il qu’il leur dise maintenant : « Ce n’est pas à cause de celui qui a fait l’injure, ni à cause de celui qui l’a soufferte ? » Il ne se contredit point en parlant de la sorte ; au contraire, il est parfaitement d’accord avec lui-même. Et comment cela ? C’est qu’il avait à cœur de leur témoigner toute la vivacité de son amour. Il ne veut pas empêcher qu’on ne prenne soin du pécheur ; il veut seulement montrer aux Corinthiens l’affection qu’il leur porte, et leur faire comprendre qu’il craint pour le bien de toute l’Église. Il tremblait en effet que le mal ne gagnât de proche en proche et n’envahît toute la famille chrétienne. Aussi disait-il : « Un peu de levain corrompt toute la pâte ». (1Cor. 5,6) Voilà ce qu’il disait alors. Maintenant qu’ils se sont amendés, il leur tient un autre langage. Il leur laisse entendre là même chose, mais ses paroles ont plus de douceur ; et il leur dit : « Pour vous témoigner le zèle que nous avons pour vous ». C’est-à-dire pour que vous sachiez combien nous vous aimons. C’est ce qu’il disait plus haut ; mais, exprimée en d’autres termes, cette pensée offre un tout autre aspect. Que ce soit la même pensée, voyez l’intention de l’apôtre, et vous en serez convaincus. Je vous aime, dit-il, et c’est pourquoi je craignais que vous n’éprouviez de la tristesse et de l’ennui. Quand l’apôtre dit : « Est-ce que Dieu s’inquiète des bœufs ? » (1Cor. 9,9), il ne veut pas dire que Dieu ne prend aucun soin de ces animaux ; car rien ne peut continuer à vivre sans le secours de la Providence ; il veut dire seulement qu’au moment de donner sa loi Dieu n’avait pas eu spécialement en vue les créatures dénuées d’intelligence. De même ici l’apôtre veut dire : C’est à cause de vous spécialement que j’ai écrit, et ensuite à cause de lui. Je vous aimais du fond du cœur, lors même que je ne vous aurais pas adressé de lettre ; mais je tenais à vous témoigner à tous mon affection au moyen d’une épître. « C’est pourquoi nous avons été consolés ». Car, nous vous avons témoigné notre amour et nous nous sommes pleinement acquittés de notre mission. Ainsi disait-il encore ailleurs : « Nous vivons, si vous vous tenez dans le Seigneur » (1Thes. 3,8) ; et encore : « Quelle est donc notre espérance, ou notre joie, ou la couronne de notre gloire ?