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tout, aux astres, regardent la sympathie et l’accord parfait de deux personnes comme un effet produit par la ressemblance des horoscopes. Alors tous ceux qui naissent à la même heure sympathiseraient entre eux ; ce qui ne se voit point. Les gens superstitieux voient dans la sympathie un prodige dont on ne peut définir la cause. Les physionomistes attribuent ce rapprochement mutuel à un attrait réciproque des physionomies. Il y a des visages qui s’attirent les uns les autres, dit Lavater, tout comme il y en a qui se repoussent. La sympathie n’est pourtant quelquefois qu’un enfant de l’imagination. Telle personne vous plaît au premier coup d’œil, parce qu’elle a des traits que votre cœur a rêvés. Quoique les physionomistes ne conseillent pas aux visages longs de s’allier avec les visages arrondis, s’ils veulent éviter les malheurs qu’entraîne à sa suite la sympathie blessée, on voit pourtant tous les jours des unions de cette sorte aussi peu discordantes que les alliances les plus sympathiques en fait de physionomie.

Les philosophes sympathistes disent qu’il émane sans cesse des corpuscules de tous les corps, et que ces corpuscules, en frappant nos organes, font dans le cerveau des impressions plus ou moins sympathiques ou plus ou moins antipathiques.

Le mariage du prince de Condé avec Marie de Clèves se célébra au Louvre le 13 août 1572. Marie de Clèves, âgée de seize ans, de la figure la plus charmante, après avoir dansé assez longtemps et se trouvant un peu incommodée de la chaleur du bal, passa dans une garde-robe, où une des femmes de la reine mère, voyant sa chemise toute trempée, lui en fit prendre une autre. Un moment après, le duc d’Anjou (depuis Henri III), qui avait aussi beaucoup dansé, y entra pour raccommoder sa chevelure, et s’essuya le visage avec le premier linge qu’il trouva : c’était la chemise qu’elle venait de quitter. En rentrant dans le bal, il jeta les yeux sur Marie de Clèves, la regarda avec autant de surprise que s’il ne l’eût jamais vue ; son émotion, son trouble, ses transports, et tous les empressements qu’il commença de lui marquer étaient d’autant plus étonnants, que, depuis six mois qu’elle était à la cour, il avait paru assez indifférent pour ces mêmes charmes qui dans ce moment faisaient sur son âme une impression si vive et qui dura si longtemps. Depuis ce jour, il devint insensible à tout ce qui n’avait pas de rapport à sa passion. Son élection à la couronne de Pologne, loin de le flatter, lui parut un exil ; et quand il fut dans ce royaume, l’absence, au lieu de diminuer son amour, semblait l’augmenter ; il se piquait un doigt toutes les fois qu’il écrivait à cette princesse, et ne lui écrivait jamais que de son sang. Le jour même qu’il apprit la nouvelle de la mort de Charles IX, il lui dépêcha un courrier pour l’assurer qu’elle serait bientôt reine de France ; et lorsqu’il y fut de retour, il lui confirma cette promesse et ne pensa plus qu’à l’exécuter ; mais, peu de temps après, cette princesse fut attaquée d’un mal violent qui l’emporta. Le désespoir de Henri III ne se peut exprimer ; il passa plusieurs jours dans les pleurs et les gémissements, et il ne se montra en public que dans le plus grand deuil. Il y avait plus de quatre mois que la princesse de Condé était morte et enterrée à l’abbaye de Saint-Germain des Prés, lorsque Henri III, en entrant dans cette abbaye, où le cardinal de Bourbon l’avait convié à un grand souper, se sentit des saisissements de cœur si violents, qu’on fut obligé de transporter ailleurs le corps de cette princesse. Enfin il ne cessa de l’aimer, quelques efforts qu’il fît pour étouffer cette passion malheureuse[1]. Quelques-uns virent là un sortilège.

On raconte qu’un roi et une reine d’Arracan (dans l’Asie, au delà du Gange) s’aimaient éperdument ; qu’il n’y avait que six mois qu’ils étaient mariés, lorsque ce roi vint à mourir ; qu’on brûla son corps, qu’on en mit les cendres dans une urne, et que toutes les fois que la reine allait pleurer sur cette urne, ces cendres devenaient tièdes…

Il y a des sympathies d’un autre genre : ainsi Alexandre sympathisait avec Bucéphale ; Auguste chérissait les perroquets ; Néron, les étourneaux ; Virgile, les papillons ; Commode sympathisait merveilleusement avec son singe ; Héliogabale, avec un moineau ; Honorius, avec une poule[2], etc. Voy. Antipathie, Clef d’or, etc.

Syrènes. Vous ne croyez peut-être pas plus aux syrènes qu’aux géants, qu’aux dragons. Cependant il est prouvé aujourd’hui qu’il y a eu des dragons et des géants ; et dans un appendice très-attachant qui suit la légende de saint Oran (sixième siècle) dans le recueil de M. Amédée

  1. Saint.-Foix, Essais.
  2. Les antipathies ne sont pas moins singulières en certains cas que les sympathies. On a vu à Calais un homme qui entrait en fureur malgré lui lorsqu’il entendait crier des canards. Il les poursuivait l’épée à la main. Cependant il en mangeait avec plaisir : c’était son mets favori.

    Helvétius raconte ce petit trait :

    « Le duc de Lorraine donnait un grand repas à toute sa cour. On avait servi dans le vestibule, et le vestibule donnait sur un parterre. Au milieu du souper, une femme croit voir une araignée. La peur la saisit ; elle pousse un cri, quitte la table, fuit dans le jardin et tombe sur le gazon. Au moment de sa chute, elle entend quelqu’un rouler à ses côtés ; c’était le premier ministre du duc. — Ah ! monsieur, que vous me rassurez et que j’ai de grâces à vous rendre ! Je craignais d’avoir fait une impertinence. — Hé ! madame, qui pourrait y tenir ? Mais, dites-moi, était-elle bien grosse ? — Ah ! monsieur, elle était affreuse. — Volait-elle près de moi ? — Que voulez-vous dire ? Une araignée voler ? — Hé quoi ! reprend le ministre, pour une araignée vous faites ce train-là ! Allez, madame, vous êtes folle ; je croyais, moi, que c’était une chauve-souris. »