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poëte et prêtre d’Arras au milieu du quinzième siècle. Il était très-excentrique, ce qui lui fit donner le surnom que nous venons de citer, et il recherchait un peu les sociétés de ce que nous appelons aujourd’hui le demi-monde. Il se fit initier à la vauderie, hérésie descendue bien bas, puisqu’on y adorait le diable, que ses fêtes étaient le sabbat, et qu’elle reconnaissait pour son maître et seigneur Lucifer, le prince ou l’un des princes des anges déchus. Les Vaudois vivaient en union apparente avec les chrétiens fidèles. Dans les causeries où l’on disait du bien de la sainte Vierge, des bienheureux et des choses saintes, ils renchérissaient, mais ils ajoutaient toujours cette conclusion : « N’en déplaise à mon maître, ou n’en déplaise à mon Seigneur. » Au moyen de cette restriction, toute parole chrétienne leur était permise par leur maître que nous avons nommé. Cet homme fut arrêté comme habitué du sabbat. Dans sa prison, il se coupa la langue avec un canif pour ne rien révéler. Mais il fut condamné au feu et brûlé en 1459. Jacques du Clerq raconte au long cette triste histoire dans ses mémoires. Louis Tieck en a fait, sous le titre de Sabbat des sorcières, un roman hostile aux catholiques, qu’on a traduit en français.

Labourd, pays de Gascogne dont les habitants s’adonnaient au commerce et entreprenaient de longs voyages, où ils croyaient que le diable les protégeait. Pendant que les hommes étaient absents, Delancre dit que les femmes devenaient d’habiles sorcières. Henri IV envoya en 1609 un conseiller au parlement de Bordeaux, Pierre Delancre, que nous avons souvent cité, pour purger le pays de ces sorcières. Instruites de son arrivée, elles s’enfuirent en Espagne. Il en fit toutefois brûler quelques-unes qui étaient d’affreuses coquines.

Labourant. Voy. Pierre Labourant.

Labrosse. Le médecin Labrosse se mêlait de lire aux astres. Le jeune duc de Vendôme, qui avait grande confiance en cet astrologue, vint un matin conter à Henri IV que Labrosse recommandait au roi de se tenir sur ses gardes ce jour-là. Henri IV répondit : « Labrosse est un vieux fou d’étudier l’astrologie, et Vendôme un jeune fou d’y croire. »

Lac. Grégoire de Tours rapporte que dans le Gévaudan il y avait une montagne appelée HéJanie, au pied de laquelle était un grand lac ; à certaines époques de l’année les villageois s’y rendaient de toutes parts pour y faire des festins, offrir des sacrifices et jeter dans le lac, pendant trois jours, une infinité d’offrandes de toute espèce. Quand ce temps était expiré, selon la tradition que rapporte Grégoire de Tours, un orage mêlé d’éclairs et de tonnerre s’élevait ; il était suivi d’un déluge d’eau et de pierres. Ces scènes durèrent jusqu’à la fin du quatrième siècle.

Cent ans avant l’ère chrétienne il y avait aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au dieu du jour, et dans lequel les Tectosages jetaient en offrandes de l’or et de l’argent à profusion, tant en lingots et monnayé que mis en œuvre et façonné.

On lit dans la Vie de saint Sulpice, évêque de Bourges, qu’il y avait de son temps dans le Berry un lac de mauvaise renommée, qu’on appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Herbadilla, Is, etc.

Lacaille (Denyse de). En 1612, la ville de Beauvais fut le théâtre d’un exorcisme sur lequel on n’a écrit que des facéties sans autorité. La possédée était une vieille nommée Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette affaire la pièce suivante en résumé : elle a été évidemment supposée par quelque farceur.

Extrait de la sentence donnée contre les démons qui sont sortis du corps de Denyse de Lacaille :

« Nous étant dûment informés que plusieurs démons et malins esprits vexaient et tourmentaient une certaine femme nommée Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous avons donné à Laurent Lepot toute-puissance de conjurer lesdits malins esprits. Ledit Lepot, ayant pris la charge, a fait plusieurs exorcismes et conjurations, desquels plusieurs démons sont sortis, comme le procès-verbal le démontre. Voyant que, de jour en jour, plusieurs diables se présentaient ; comme il est certain qu’un certain démon nommé Lissi a dit posséder ladite Denyse, nous commandons, voulons, mandons, ordonnons audit Lissi de descendre aux enfers, sortir hors du corps de ladite Denyse, sans jamais y rentrer ; et, pour obvier à la venue des autres démons, nous commandons, voulons, mandons et ordonnons que Belzébuth, Satan, Motelu et Briffault, les quatre chefs, et aussi les quatre légions qui sont sous leur puissance, et tous les autres, tant ceux qui sont de l’air, de l’eau, du feu, de la terre et autres lieux, qui ont encore quelque puissance de ladite Denyse de Lacaille, comparaissent maintenant et sans délai, qu’ils aient à parler les uns après les autres, à dire leurs noms de façon qu’on puisse les entendre, pour les faire mettre par écrit.

» Et à défaut de comparoir, nous les mettons et les jetons en la puissance de l’enfer, pour être tourmentés davantage que de coutume ; et, faute de nous obéir, après les avoir appelés par trois fois, commandons, voulons, mandons que chacun d’eux reçoive les peines imposées ci-dessus, défendant au même Lissi, et à tous ceux qui auraient possédé le corps de ladite Denyse de Lacaille, d’entrer jamais dans aucun corps, tant de créatures raisonnables que d’autres.

» Suivant quoi ledit Lessi, malin esprit, prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzébuth paraissant, Lissi s’est retiré au bras droit ; lequel Belzébuth a signé ; pareillement Belzébuth s’étant retiré, Satan apparut, et a signé pour sa légion,