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GOU
GRA
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meau cyclopes, Charybde et Scylla, ogres ou gougous[1]. »

Goul, espèce de larves ou sorcières vampires qui répondent aux empuses des anciens. C’est la même chose que ghole.

Goule (la grande). C’est un énorme dragon que l’on promenait à Poitiers aux processions des Rogations. On l’appelait la bonne sainte vermine ; ce qui est assez singulier ; car elle représentait le démon, que la foi chrétienne avait détrôné. Il en était ainsi de la Chair Salée de Troyes, de la Graouilli de Metz, de la Gargouille de Rouen, du Dragon de saint Marcel à Paris, de la Tarasque à Tarascon.

Gouleho, génie de la mort chez les habitants des îles des Amis. Il gouverne un royaume sombre où se rendent les âmes.

Gourmandise (la), péché capital, odieux au Ciel et à la terre, et qui envoie aux enfers beaucoup de recrues. Elle a un autre effet, qui suffirait peut-être aux matérialistes pour les faire hésiter devant elle : c’est qu’elle amène brusquement le triomphe de cet âpre squelette que nous appelons la mort.

Goyon. Voy. Matignon.

Graa, sorte d’immortelle (plante) que les Islandais employaient autrefois à la magie, et qui servait aussi à écarter les sorciers.

Grains bénits. On se sert encore dans les campagnes (et cette coutume est désapprouvée par l’Église comme superstitieuse) de certains grains dits bénits qui ont la propriété de délivrer les possédés par l’attouchement, d’éteindre les incendies et les embrasements, de garantir du tonnerre, d’apaiser les tempêtes, de guérir la peste, la fièvre, la paralysie ; de délivrer des scrupules, des inquiétudes d’esprit, des tentations contre la foi, du désespoir, des magiciens et des sorciers[2].

Grains de blé, divination du jour de Noël. Dans plusieurs pays du Nord, on fait, le jour de Noël, une cérémonie qui ne doit pas manquer d’apprendre au juste combien on aura de peine à vivre dans le courant de l’année. Les paysans surtout pratiquent cette divination. On se rassemble auprès d’un grand feu, on fait rougir une plaque de fer ronde, et, lorsqu’elle est brûlante, on y place douze grains de blé sur douze points marqués à la craie, auxquels on a donné les noms des douze mois de l’année. Chaque grain qui brûle annonce disette et cherté dans le mois qu’il désigne ; et si tous les grains disparaissent, c’est le signe assuré d’une année de misères. Triste divination !

Graisse des sorciers. On assure que le diable se sert de graisse humaine pour ses maléfices. Les sorcières se frottent de cette graisse pour aller au sabbat par la cheminée ; mais celles de France croient qu’en se mettant un balai entre les jambes, elles sont transportées sans graisse ni onguent. Celles d’Italie ont toujours un bouc à la porte pour les transporter. Gralon. Voy. Is.

Grandier (Urbain). L’histoire de cet homme n’est guère connue du public que par le livre du calviniste Saint-Aubin, qui l’a écrite sous le titre d’Histoire des diables de Loudun, et qui avait intérêt, dans l’esprit de sa secte, à travestir les faits. Son livre, on le reconnaît aujourd’hui, n’est qu’un pamphlet menteur et calomnieux. Grandier était malheureusement un prêtre plus dissipé, comme le disent les récits du temps, que sa condition ne le comportait. Il avait donc là un titre aux sympathies des ennemis de l’Église romaine. Il y avait depuis sept ans à Loudun un couvent d’ursulines, que Grandier voulut séduire. Il ensorcela les religieuses, comme on disait alors ; on dirait aujourd’hui il les magnétisa, au moyen de fleurs charmées qu’il leur fit parvenir ; et ces saintes filles devinrent possédées et frénétiques. Les phénomènes que produit le magnétisme sous nos yeux expliquent bien des faits que les dissidents et les philosophes ont traités d’absurdes, et qu’on ne peut plus révoquer en doute. Une procédure fut entamée, suivie avec beaucoup d’ordre, de lenteur et de sagesse. Grandier, en prison, composait ou fredonnait des chansons. Il fut condamné à mort. On s’est récrié contre cette sentence et on a gémi à propos de son exécution. Mais le magnétisme et les tables tournantes ont produit ou produiront des crimes, qui seront, aussi bien que ceux de Grandier, du ressort des cours prévôtales ou des cours d’assises. Voy. Loudun[3].

Grando Une légende citée par Görres[4] parle d’un vampire nommé Grando, qui inquiéta assez longtemps les habitants de la Carniole. On le trouva tout rouge, longtemps après sa mort. Son visage fit les mouvements du rire lorsqu’on le découvrit, et il bâilla comme pour respirer l’air frais. On lui présenta un crucifix ; aussitôt il versa des larmes. Après qu’on eut prié pour le repos de son âme, on eut recours à l’expédient qui délivre des vampires, on lui coupa la tête ; il poussa un cri, se tourna et se tordit comme s’il eût été vivant et remplit tout le cercueil de son sang…

Grange du diable. On voit encore à la ferme d’Hamelghem, qui appartient à M. d’Hoogsvorth, et qui est tenue par M. Sterckx, frère de l’archevêque de Malines, ferme dépendante de la commune d’Osselt, entre Meysse et Ophem, à une bonne lieue de Vilvorde, à trois lieues de Bruxelles ; en allant par Laeken, on voit, dis-je, dans cette ferme une grange, qui passe pour la plus

  1. Chateaubriand, Mémoires, tome IL
  2. Lebrun, Histoire des superstitions, t. I er, p. 397.
  3. Voyez aussi l’histoire de Grandier, dans les Légendes infernales.
  4. Livre V de sa Mystique, ch. xiv.