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Les Chinois ont des génies qui président aux eaux, aux montagnes ; et chacun d’eux est honoré par des sacrifices solennels. — Voy. Fées, Anges, Esprits, etc.

Génirade, médecin matérialiste, ami de saint Augustin et très-connu à Carthage pour sa grande capacité. Il doutait qu’il y eût un autre monde que celui-ci. Mais une nuit il vit en songe un jeune homme qui lui dit : — Suivez-moi. — Il le suivit et se trouva dans une ville où il entendit une mélodie admirable. Une autre fois il vit le même jeune homme qui lui dit : — Me connaissez-vous ? — Fort bien, lui répondit-il. — Et d’où me connaissez-vous ? — Gérinade lui raconta ce qu’il lui avait fait voir dans la ville où il l’avait conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce en songe ou éveillé que vous avez vu tout cela ? — C’est en songe, répondit le médecin. Le jeune homme dit : — Où est à présent votre corps ? — Dans mon lit. — Savez-vous bien que vous ne voyez rien à présent des yeux du corps ? — Je le sais. — Quels sont donc les yeux par lesquels vous me voyez ?… Comme le médecin hésitait et ne savait que répondre, le jeune homme lui dit encore : — De même que vous me voyez et m’entendez, à présent que vos yeux sont fermés et vos sens engourdis, ainsi après votre mort vous vivrez, vous verrez, vous entendrez, mais des yeux de l’esprit. Ne doutez donc plus. — Génirade conclut que si l’âme pouvait voyager ainsi dans le sommeil, elle n’était donc pas liée à la matière ; et il se convertit.

Gennadius, patriarche de Constantinople. Allant à son église, il rencontra un spectre hideux. Il reconnut que c’était le diable, le conjura et entendit une voix qui lui dit : — Je t’avertis, Gennadius, que durant ta vie je ne pourrai nuire plus que toi à l’Église grecque ; mais après ta mort je la ruinerai. — Le patriarche se mit à genoux, pria pour son Église, et mourut peu après[1]. Ceci se passait tandis que Mahomet II faisait la conquête de l’empire.

Geoffroi d’Iden, chevalier du treizième siècle, qui fut tué dans une guerre injuste au diocèse de Mâcon, et qui revint, deux mois après, réclamer des prières. Il se montra deux fois à deux personnes différentes, portant encore saignante l’énorme blessure qui lui avait donné la mort ; et il obtint ce qu’il demandait. Ces faits, dont toute la contrée ne put douter, sont rapportés par Pierre le Vénérable[2].

Géomancie ou Géomance, divination par la terre. Elle consiste à jeter une poignée de poussière ou de terre au hasard sur une table, pour juger des événements futurs par les lignes et les figures qui en résultent : c’est à peu près le même procédé que celui du marc de café. Selon d’autres docteurs, la géomancie se pratique tantôt en traçant par terre ou sur un globe des lignes et des cercles, sur lesquels on veut deviner ce qu’on a


envie d’apprendre ; tantôt en faisant au hasard, par terre ou sur le papier, plusieurs points sans garder aucun ordre ; les figures que le hasard forme alors fondent un jugement sur l’avenir ; tantôt enfin en observant les fentes et les crevasses qui se font naturellement à la surface de la terre, d’où sortent, dit-on, des exhalaisons prophétiques, comme de l’antre de Delphes.

Gérard. C’est le nom, à ce qu’on croit, de l’architecte qui entreprit la somptueuse basilique de Cologne. Plusieurs traditions se rattachent à cet immense édifice. Selon les unes, le diable en aurait fait le plan et l’aurait offert à Gérard, moyennant un pacte qui lui eût livré son âme. L’architecte aurait d’une main saisi le plan, et de l’autre, armée d’une relique de sainte Ursule, il aurait mis le diable en fuite. Mais en se retirant violemment le diable avait arraché du plan la portion la plus importante ; ce qui fit que le monument n’a pu être achevé. Selon d’autres traditions, Gérard était avancé dans l’érection de sa cathédrale au point où nous la voyons, lorsqu’il paria orgueilleusement avec le diable qu’il aurait achevé sa grande tour avant que lui, Satan, eût terminé le grand aqueduc de Trêves à Cologne, qu’il avait entrepris. Mais le diable gagna le pari, et Gérard humilié se précipita du haut de sa tour, dont personne jusqu’ici n’a entrepris l’achèvement.

Gérard le Diable, garnement du treizième siècle, enfant de grande maison à Gand. La sinistre histoire de ce possédé, de son fils Gérard le Maure et de la tour rouge est établie dans les Légendes infernales.

Gérardine (Rose), pauvre femme de la Lorraine qui fut arrêtée comme sorcière en 1856. Elle confessa qu’on l’avait emmenée au sabbat malgré elle, qu’on l’avait cruellement battue parce qu’elle se refusait à faire le mal qui lui

  1. Leloyer, Histoire des spectres et apparitions des esprits, p. 270.
  2. Voyez cette histoire dans les Légendes de l’autre monde (légendes du purgatoire).