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que contre son service ; elle se montre bonne envers les pauvres et se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques lorsque, après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu’elle a institué de son vivant. Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu’à ce qu’enfin un d’eux rappelât aux autres qu’il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fées.

Femmes-cygnes. Il y a des femmes-cygnes dans les légendes Scandinaves : ce sont des ondines ; mais elles ont quelque chose d’humain, quoiqu’elles ne soient pas de l’espèce, tandis que chez les Tartares de l’Altaï ce sont probablement des démons. On en voit une se déguiser en renard noir pour égarer les héros. Il paraît qu’elles sont au nombre de quarante. Un jour trente de ces femmes se métamorphosèrent en un seul loup-garou. Quelquefois elles concentrent leur quarante perfidies pour constituer une seule femme-cygne dont la malice est alors effroyable. Pour se défatiguer, elle avale du sang trois fois plein sa main, après quoi elle peut courir quarante ans sans désemparer[1].

Femmes vertes. Les Écossais donnent ce nom à des fées qui paraissent, aux lieux déserts, habillées de robes vertes éclatantes.

Fenris. Le loup Fenris est un des monstres de l’enfer Scandinave, né de Loke et de la géante Angerbode. Il est assez fort pour ébranler la terre. Il doit, à la fin du monde, dévorer Odin. Jusque-là il est enchaîné.

Fer chaud (épreuve du). Celui qui voulait se justifier d’une accusation, ou prouver la vérité d’un fait contesté, et que l’on condamnait pour cela à l’épreuve du fer chaud, était obligé de porter à neuf ou douze pas une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette épreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. Emma. Un mari de Didymotèque, soupçonnant la fidélité de sa femme, lui proposa d’avouer son crime ou de prouver son innocence par l’attouchement d’un fer chaud. Si elle avouait, elle était morte ; si elle tentait l’épreuve, elle craignait d’être brûlée. Elle eut recours à l’évêque de Didymotèque, prélat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la réparer. L’évêque, assuré de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue l’innocence, lui dit qu’elle pouvait sans crainte se soumettre à l’épreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois fois le tour d’une chaise, l’ayant toujours à la main ; et le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzène.

Sur la côte du Malabar, l’épreuve du fer chaud était aussi en usage. On couvrait la main du criminel d’une feuille de bananier, et l’on y appliquait un fer rouge ; après quoi le surintendant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de l’accusé avec une serviette trempée dans de l’eau de riz ; il la liait avec des cordons ; puis le roi appliquait lui-même son cachet sur le nœud. Trois jours après on déliait la main et on déclarait le prévenu innocent, s’il ne restait aucune marque de brûlure ; mais s’il en était autrement, il était envoyé au supplice. — Au reste, l’épreuve du fer chaud est fort ancienne ; car il en est question dans l’Electre de Sophocle.

Ferdinand IV, dit l’Ajourné, roi de Castille et de Léon, né en 1285. Ayant condamné à mort deux frères que l’on accusait d’avoir assassiné un seigneur castillan au sortir du palais, il voulut que la sentence fût exécutée, quoique les accusés protestassent de leur innocence et quoiqu’il n’y eût aucune preuve solide contre eux. Alors, disent les historiens de ce temps, les deux frères, en montant le rocher du haut duquel ils devaient être précipités, ajournèrent Ferdinand à comparaître dans trente jours au tribunal du juge des rois ; et, précisément trente jours après, le roi, s’étant retiré après le dîner pour dormir, fut trouvé mort dans son lit. Voy. Ajournement.

Fernand (Antoine), jésuite espagnol, auteur d’un commentaire assez curieux sur les visions et révélations de l’Ancien Testament, publié en 1617.

Ferragus, géant dont parle la Chronique de l’archevêque Turpin. Il avait douze pieds de haut et la peau si dure qu’aucune lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut vaincu par l’un des preux de Charlemagne.

Ferrier (Auger), médecin et astrologue, auteur d’un livre peu connu intitulé Jugements d’astronomie sur les nativités, ou horoscopes, in-16, qu’il dédia à la reine Catherine de Médicis. — Auger Ferrier a laissé encore un petit traité latin, De somniis, imprimé à Lyon en 1549, avec le traité d’Hippocrate sur les insomnies.

Féry (Jeanne), jeune fille de Sore, sur la Sambre, qui, ayant été maudite par son père, fut obsédée d’un démon dès l’âge de quatre ans. Il lui donnait du pain blanc et des pommes et faisait qu’elle ne sentait pas les coups qu’on lui appliquait comme châtiment. Lorsqu’elle fut grande, il la démoralisa peu à peu ; il lui fit signer un papier où elle renonçait à son baptême, à l’Église et au Christ. Elle avala ensuite ce papier dans une orange, et, livrée au démon, elle commit tous les péchés imaginables, pro-

  1. M. Elie Reclus, Légendes tartares, dans la Revue germanique, 34 août 1860.