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su-, et que l’on se servait autrefois du corail comme d’une amulette ou préservatif contre les sortilèges.

Corbeau, oiseau de mauvais augure, qui,


dans les idées superstitieuses, annonce des malheurs et quelquefois la mort. Il a pourtant des qualités merveilleuses. Le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand dit que, si l’on fait cuire ses œufs, et qu’ensuite on les remette dans le nid où on les aura pris, aussitôt le corbeau s’en ira dans une île où Alogricus, autrement appelé Alruy, a été enseveli, et il en apportera une pierre avec laquelle, touchant ses œufs, il les fera revenir dans leur premier état ; « ce qui est tout à fait surprenant ». Cette pierre se nomme pierre indienne, parce qu’elle se trouve ordinairement aux Indes. On a deviné, par le chant du corbeau, si son croassement peut s’appeler chant. M. Bory de Saint-Vincent trouve que c’est un langage. On l’interprétait en Islande pour la connaissance des affaires d’État. Les Islandais croient le corbeau instruit de tout ce qui se passe au loin ; il annonce l’avenir, disent-ils ; il prévoit surtout les morts qui doivent frapper une famille : alors il vient se percher sur le toit de la maison, d’où il part pour faire le tour du cimetière, avec un cri continu et des inflexions de voix. Les Islandais disent encore qu’un de leurs savants, qui avait le don d’entendre l’idiome du corbeau, était par ce moyen instruit des choses les plus cachées.

Hésiode avance que la corneille vit huit cent soixante-quatre ans, tandis que l’homme ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans, et il assure que le corbeau vit trois fois plus que la corneille, ce qui fait deux mille cinq cent quatre-vingt-douze ans. On croit dans la Bretagne que deux corbeaux président à chaque maison, et qu’ils annoncent la vie et la mort. Les habitants du Finistère assurent encore que l’on voit sur un rocher éloigné du rivage les âmes de leur roi Gralon et de sa fille Dahut qui leur apparaissent sous la forme de deux corbeaux ; elles disparaissent à l’œil de ceux qui s’en approchent[1]. Voy. Odin, Cicéron, Augures, Arthus, etc.

Corbeau noir. Voy. Calice du Sabbat.

Corde de pendu. Les gens crédules prétendaient autrefois qu’avec de la corde de pendu on échappait à tous les dangers et qu’on était heureux au jeu. On n’avait qu’à se serrer les tempes avec une corde de pendu pour se guérir de la migraine. On portait un morceau de cette corde dans sa poche pour se garantir du mal de dents. Enfin, on se sert de cette expression proverbiale, avoir de la corde de pendu, pour indiquer un bonheur constant, et les Anglais du menu peuple courent encore après la corde de pendu[2].

Cordeliers d’Orléans. On a fait grand bruit de l’affaire des cordeliers d’Orléans, qui eut lieu sous François Ier. Les protestants s’en emparèrent ; et d’un tort qui est assez mal établi, on fit un crime aux moines. C’était peut-être faire leur éloge que de s’étonner qu’ils ne fussent pas tous des anges. Voici l’histoire. Le seigneur de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, qui donnait dans les erreurs de Luther, devint veuf. Sa femme était comme lui luthérienne en secret. Il la fit enterrer sans flambeaux et sans cérémonies. Elle n’avait pas reçu les derniers sacrements. Le gardien et le custode des cordeliers d’Orléans, indignés de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de leurs novices dans les voûtes de l’église, avec des instructions. Aux matines, ce novice lit du bruit sous les voûtes. L’exorciste, qui pouvait bien n’être pas dans le secret, prit le rituel, et croyant que c’était un esprit, lui demanda qui il était ? Point de réponse. — S’il était muet ? — Il frappa trois coups.

On n’alla pas plus loin ce jour-là. Le lendemain et le surlendemain ; le même incident se répéta. — Fantôme ou esprit, dit alors l’exorciste, es-tu l’âme d’un tel ? — Point de réponse. — D’un tel. — Point de réponse. — On nomma successivement plusieurs personnes enterrées dans l’église. Au nom de Louise de Mareau, femme de François de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, l’esprit frappa trois coups. — Es-tu

  1. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. Il, p. 261.
  2. Salgues, Des erreurs et des préjugés, t. I, p. 433.