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ENQUÊTE
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lettre de m. ajalbert
Cher Monsieur

Je lis notre conversation ! J’ai beaucoup bavardé sans guères répondre pourtant à votre consultation in extremis sur la littérature d’aujourd’hui — qui n’est pas si malade en somme, et compte un nombre de beaux et fiers talents ! Les citer ? Je ne veux pas paraître dresser un palmarès de mes amitiés et de mes admirations. Je me contenterai d’ajouter que je trouve qu’il y a plus de symboles dans l’Homme à la cervelle d’or de Daudet, ou dans les frères Zemganno de Goncourt que dans les vers de bien des symbolistes ; et, qu’avec ou sans symbole, Sapho, et d’autres œuvres du maître, ne me semblent pas déshonorer la littérature française autant que le déclarent les féroces de chez Vannier.

Cette omission répai’ée, il faut que je m’accase d’une autre. Il n’est pas permis à ceux de notre génération de parler aussi longtemps que j’ai fait, sans nommer J.-H. Rosny, sans affirmer de hautes sympathies devant le labeur énorme, la grave intelligence, la ferme intégrité littéraire de J. H. Rosny. Lui a donné du nouveau, et, robuste de foi dans l’avenir, par des œuvres maîtresses comme le Bilatéral, les Xipéhuz, le Plateau de Tornadres, la Légende sceptique, Daniel Valgraive, en aiguillant le roman vers la science et le socialisme, il pourrait bien avoir prévu la littérature de demain…

Si je parie de Rosny seul, c’est que des nôtres il est le premier par le talent — et le moins gâté de tous par une