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à la certitude des représentations de la religion. Il y entre des mythes dont la simple récitation agit comme charme[1] et des notions, comme celles de substance, de nature, de force, φύσις et δύναμις, dont le bien fondé fut si peu contesté qu’elles ont été admises par les sciences et les techniques. Cependant, ni ces mythes, ni ces représentations abstraites dont la valeur pratique est si haute, ne sont explicitement l’objet de l’accord unanime et nécessaire d’une société. — Enfin, pas plus que les rites, ces notions et ces mythes ne semblent avoir pour principe la notion du sacré. L’efficacité des pratiques était-elle donc du même genre que celle des techniques ; la certitude des notions et des mythes du même genre que celle des sciences ?

Au moment où nous nous posions ces questions, les opérations mentales d’où dérive la magie étaient données comme des sophismes naturels de l’esprit humain. Associations d’idées, raisonnements analogiques, fausses applications du principe de causalité, pour MM. Frazer[2] et Jevons[3] en constituaient tout le mécanisme. L’école anthropologique anglaise arrivait ainsi, à des résultats tout à fait opposés à ceux vers lesquels nous conduisaient nos investigations sur la religion. Nous étions donc conduits à réviser ses travaux.

Notre enquête[4] a établit que tous les éléments de la magie : magiciens, rites, représentations magiques sont qualifiés par la société pour entrer dans la magie.

Le mémoire que nous publions plus loin sur l’Origine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes en fait précisément la preuve avec détails en ce qui concerne la conscience même du magicien : le magicien est un fonc-

  1. Cf. Hubert et Mauss, Esquisse d’une théorie générale de la Magie, Année sociologique, t. VII, 1904, p. 56.
  2. J.-G. Frazer, Golden Bough, 2e édit., t. III, p. 460 ; II, p. 370, etc.
  3. Jevons, Introduction to the History of Religion, p. 35, 297, 411.
  4. Voir chap. iii. Nous ne réimprimons pas ici ce travail que nous nous proposons d’achever et de rééditer.