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pour ressembler aussi peu que possible au commun de la tribu[1]. Les pierres et l’os magique reçus des Len-ba-moor peuvent être enlevés par ces esprits et mis dans le sac-médecine d’un autre Weraap (magicien), et leur ancien possesseur, tout comme chez les Warramunga, tombe malade et meurt[2].

Ailleurs c’est à l’esprit initiateur que la substance magique revient[3]. Nous sommes persuadé que des recherches approfondies, dans la plupart des tribus australiennes, feraient apparaître bien des faits de ce genre.

VII

CONCLUSION

Tous ces faits ont une valeur sociologique qu’il s’agit maintenant de démontrer. Ils nous font apparaître, du coup, la simple magie sympathique du médecin-envoûteur australien comme quelque chose de très différent d’un mécanisme simple d’idées techniques erronées.

Le magicien est un être qui s’est cru et qui s’est mis, en même temps qu’on l’a cru et qu’on l’a mis hors de pair. Nous l’avons vu, dans un certain nombre de sociétés australiennes, se confondre définitivement avec l’esprit qui l’initie. Nous l’avons vu, dans toutes les autres, obtenir certaines qualités, d’ordinaire matérialisées en une substance magique (cailloux, os, etc.), dont la possession toute spirituelle et mystique le fait encore ressembler plus étroitement aux esprits qu’aux autres mortels. Souvent toute sa personnalité a été renouvelée au cours des rites, ou bien il s’est senti lui-même renouvelé au cours de ses extases

  1. Brough Smyth, I, p. 467.
  2. Ibid., p. 464. Nous croyons qu’il s’agit ici des Woivorung, et dans le cas précédent, des Barkinji.
  3. Kabi. Voir textes plus haut, p. 165, n. 3.