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LA LINGUISTIQUE.

couches du langage, que ces couches diverses témoignent de la façon la moins équivoque d’un progrès constant, d’un développement naturel, d’un perfectionnement régulier.

D’ailleurs, en présence de ce perpétuel spectacle d’évolution qui se déroule sous nos yeux dans la nature entière, nous ne pouvons pas ne pas admettre que la faculté du langage articulé ne se soit acquise petit à petit, grâce à un développement progressif des organes. Et peu importe que ce développement soit dû aux différentes sortes de sélection ou qu’il provienne d’autres causes, inconnues encore à ce jour. C’est un sujet sur lequel nous ne pouvons nous étendre ; il appartient à l’étude générale de la variabilité et de la transformation des espèces, et nous devons nous contenter de l’indiquer. Ici, sans doute, comme partout ailleurs, la fonction a été pour beaucoup dans les progrès de l’organe lui-même, mais ici également, comme partout, l’organe tel qu’il est, l’organe sous sa forme actuelle, n’a pu que procéder d’une forme inférieure.

Il faut donc reconnaître, en définitive, que cette caractéristique de l’homme, la faculté du langage articulé, est purement relative. Nous découvrons son origine et ses rudiments[1] ; nous comprenons que nos pères ne l’ont acquise que par degrés, dans le combat pour le progrès d’où ils devaient sortir victorieux.

Mais, pour être relative, cette faculté n’en est pas moins particulière, spéciale à l’homme, et, au demeurant, c’est grâce à elle seule que le premier des primates peut porter ce nom d’homme qu’il a gagné, à travers des milliers de siècles, au prix de luttes incessantes.

  1. Lamarck, Philosophie zoologique, édition Ch. Martins, t. I, p. 346. Paris, 1873. — Darwin, la Descendance de l’homme, traduct.  franc., t. I, p. 59. — Hæckel, Histoire de la création des êtres organisés, traduct. franc., p. 591,