Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/96

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1573. — 20 octobre.

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8766, fol. 6 recto.

À MON COUSIN MONSR LE MARQUIS DE VILLARS,

ADMIRAL DE FRANCE, LIEUTENANT GENERAL DU ROY MON SEIGNEUR AU GOUVERNEMENT DE GUYENNE, EN MON ABSENCE.

Mon Cousin, Estant encore en cette Court, vous aurez entendu l’intention du Roy mon seigneur pour la conservation de mes serviteurs[1], qui me faict asseurer que, arrivant en Guyenne, vous en

  1. Les intentions de Charles IX sont bien nettement exprimées dans la lettre suivante qu’il avait adressée à son beau-frère le mois précédent, et que nous donnons ici d’après l’original. (B. R. Fonds Béth. Ms. 8733, fol. 105 recto.) L’édit de pacification dont le Roi y fait mention est le traité conclu avec la ville de la Rochelle. (Voyez lettre du 26 juin précédent.)

    « À MON FRERE LE ROY DE NAVARRE,
    gouverneur et mon lieuctenant general et admiral de Guyenne.


    « Mon Frere, J’ai faict mon edict de paciffication, en intention de mectre mes subjectz en repos et les delivrer des vexations de la guerre. Toutesfois je suis adverti que mon pauvre peuple ne laisse d’estre opprimé et affligé aultant que jamais par plusieurs compaignies de gens d’armes et aucuns soldats et gens de guerre à pied, qui tiennent les champs, vont rodant le pays et font des maulx et extorsions innombrables soubs couleur de se retirer en leurs maisons, dont je suis tres desplaisant ; et d’autant plus par ce qu’il semble que la licence a prins telle habitude et auctorité ou que la negligence soit telle, que personne s’ingere d’y remedier, comme si tout estoit habandonné et à la discretion des mechans ; chose qui me poise à bon droict tellement sur le cœur et m’est si importante, que je ne seray jamais contant qu’il n’y soit pourveu comme il appartient. Au moyen de quoy je vous prie, d’aultaut que vous desirez me faire service agreable, d’embrasser l’execution de ma volonté en cest endroict aultant que la raison et mes commandemens et le debvoir vous y obligent, et faire faire commandement tres expres, a cry public, par tous les lieux et endroicts de vostre gouvernement à ce faire accoustumés, à toutes les dictes compaignies de mes ordonnances, gens de pied et autres gens de guerre, de se retirer incontinant en leurs maisons et demeure, sur peine de la vie ; si, en apres la dicte publication, il s’y en retrouvera encore quelques ungs par les champs sans adveu, les faire prendre et punir tres rigoureusement. Et pour le regard des compaignies qui passent de lieu à autre par mon commandement et pour mon service ou pour changer de garnison, se retirer en leurs maisons, ou pour autres causes dont ils feront apparoir ; se ils vivent autrement qu’ils ne doibvent, rançonnent et pillent mon pauvre peuple comme la plus part sont accoustumés de faire, à mon tres grand regret, je vous prie en faire faire exemplaire chastiment, de maniere que cela puisse tenir en police les aultres, au soullagement de mon dict pauvre peuple. Et affin que nulle compaignie puisse entrer en vostre gouvernement sans que vous en soyez adverti (comme il advient assez souvent que les premieres nouvelles que l’on a d’elles viennent des extorsions et pilleries qu’elles font), qu’il soit par la dicte publication deffendu à toutes compaignies tant à cheval que de pied, de mectre le pied et s’ingerer d’entrer en vostre dict gouvernement sans premierement vous en avoir adverti, affin que le chemin qu’ils auront à y tenir, passant en icelluy, leur soit par vous prescrit ou le lieu de leur garnison s’ils sont ordonnés pour cest effect ; commectant quelqu’un aupres de chascune, tant pour les conduire, prendre garde à leur maniere de vivre, que pour leur faire administrer ce qui leur sera de besoing. Davantage, qu’il soit ordonné aux prevotz des mareschaux des lieux se mectre à leur queue pour faire justice à ceulx qui le meriteront, comme faire droit à qui il appartiendra. Si ce sont compaignies qui ne doibvent que passer, quand elles approcheront ung autre gouvernement, celluy que vous aurez mis à la conduite d’icelles ne fauldra d’en advertir le gouverneur et lieuctenant general d’icelluy, affin qu’il les envoye recevoir pareillement. Me manderez les noms des compaignies et de celuy qui y commandoit et comment elles auront vescu. Cest ordre estant bien suivy, j’estime qu’il sera bien facile de reprimer les insolances qui regnent. Par quoy je vous prye, sur tant que desirez me contenter, de le faire garder comme il appartient ; de mode que, me reposant sur vous de ce faict puisque vous en ay mandé mon intention, il soit assuré que mon pauvre peuple ne soit plus vexé ny opprimé en vostre dict gouvernement comme il a esté jusques icy et que je n’en aye plus de plaintes ; priant Dieu qu’il vous ait, mon Frere, en sa garde saincte. Escrit à Paris, le iiije jour de septembre 1573.

    « CHARLES.
    De Neufville. »