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stances composées, cela serait de peu d’importance, puisque ces substances ne sont pas encore ce qu’il y a de plus substantiel et que, selon Aristote, l’être en tant qu’être ne doit pas être cherché parmi elles, ni même, à proprement parler, au fond d’aucune d’entre elles. L’objet de la philosophie première, dit Aristote, est l’être en tant qu’être[1]. Mais il ne faut pas croire que l’être en tant qu’être est un universel, un caractère commun à tous les êtres. Ici Aristote appelle à son aide une dernière fois la distinction de l’unité générique et de l’unité d’analogie. Tous les êtres ont de l’être. Mais ce qu’ils ont de l’être n’est pas une partie, même conceptuelle, de l’être. C’est l’identité du rapport qu’ils soutiennent, chacun avec ses attributs ou les autres êtres, et du rapport que soutient l’être en tant qu’être avec ses propres prédicats. Si l’être, en tant qu’il se retrouve à propos de tous les êtres, peut être dit universel, c’est d’un genre particulier d’universalité : il est universel parce qu’il est premier et fondement d’analogie[2]. L’être en tant qu’être, étant premier, devient un type, il est imité par d’autres êtres. Chacun d’eux se règle sur lui. Mais il est à part d’eux tous, et cela réellement, non logiquement ; et le vrai nom de la philosophie première, c’est Théologie (Ε, 1, 1026 a, 18). En un mot, l’objet de la philosophie première est un individu. Or cet individu, comme Aristote le répète sans cesse avec des expressions diverses, est une pure forme (cf. p. 407, n. 2). Il est une pure forme, parce que sa fonction est d’expliquer les autres êtres et que la véritable explication consiste à invoquer la fin et, en dernière analyse, la forme. La forme explique tout le reste et se suffit à elle-même.

Nous reviendrons tout à l’heure sur l’être en tant qu’être pour le considérer en lui-même et approfondir son essence. Commençons par comparer cette essence avec celle des autres êtres. Que les autres êtres doivent plus ou moins

  1. Métaph. Γ, 1 début : ἔστιν ἐπιστήμη τις ἣ θεωρεῖ τὸ ὂν ᾗ ὂν καὶ τὰ τούτα ὑπάρχοντα καθ’ αὑτό…
  2. Métaph. Ε, 1 fin : … καὶ καθόλου οὕτως ὅτι πρώτη. Pour l’universalité d’analogie, voir p. 397, n. 1.