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Aristote, celui de l’homme normal[1] : première manière de transformer la sensation en intuition rationnelle ; et la transformation est complète, quand on nous dit que la sensation a pour objet, non pas τὸ τόδε, mais τὸ τοιόνδε, et qu’elle est intellection (cf. p. 399, n. 1). Le réel, c’est donc ce que saisit l’intellect, bien plutôt que ce n’est ce que saisit la sensation. Corrélativement, si on le considère en lui-même et non plus par rapport à nous, le réel est constitué bien plutôt encore par la forme que par la matière. Le livre Ζ de la Métaphysique distingue les trois sortes de substances : la matière, le composé de matière et de forme et enfin la substance formelle, et c’est celle-ci qu’il met très décidément au premier rang. Sans doute le livre Ζ porte sur la substance comme objet de la définition, plutôt que sur la substance en elle-même. Cependant le livre Η, qui est le complément du livre Ζ, est d’un caractère ontologique, et d’ailleurs ce caractère marque la fin même du livre Ζ. On y trouve énoncée une conclusion vers laquelle tend en somme toute la doctrine d’Aristote sur la puissance et l’acte, sur la matière et la forme : la forme de la syllabe, distincte des éléments de la syllabe, est la cause de la syllabe. C’est donc la forme qui est la substance de chaque chose, parce qu’elle est la cause première de l’être de chaque chose[2]. Ainsi, à considérer les substances composées elles-mêmes, on voit que ce qu’il y a de plus substantiel en elles c’est la forme : la matière ne joue dans la constitution de ces réalités qu’un rôle subordonné.

Quand même d’ailleurs la part de la forme ne serait pas aussi manifestement prépondérante dans la réalité des sub-

  1. Métaph. Κ, 6, 1062 b, 35 : … οὐδέποτε γὰρ τὸ αὐτὸ φαίνεται τοῖς μὲν γλυκὺ τοῖς δὲ τοὐναντίον, μὴ διεφθαρμένων καὶ λελωβημένων τῶν ἑτέρων τὸ αἰσθητήριον καὶ κριτήριον τῶν λεχθέντων χυμῶν.
  2. Ζ, 10, 1035 a, 2 : … οὐσία ἥ τε ὕλη καὶ τὸ εἶδος καὶ τὸ ἐκ τούτων… Sur la primauté de la forme, cf. 3, 1029 a, 5 (cité p. 268, n. 7). — Ce qui fait que la syllabe est quelque chose en dehors des lettres, voyelles ou consonnes, dont elle est composée, c’est la cause qui fait que telle matière est syllabe et précisément telle syllabe, 17, 1041 b, 11 jusqu’à la fin du chapitre, et surtout b, 27 : οὐσία δ’ ἑκάστου μὲν τοῦτο· τοῦτο γὰρ αἴτιον πρῶτον τοῦ εἶναι.