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moteur-mû, celui de la mineure, et le mobile, qui ne meut plus rien, est l’analogue de la conclusion. En revanche Aristote reconnaît, de la façon la plus formelle, non seulement que sans le désir il n’y a pas de mouvement possible, mais que le désirable peut être un faux désirable[1]. Le premier de ces points ne soulève pas de difficulté, une fois du moins qu’on a admis que l’excellence ontologique doit présenter un aspect pratique et apparaître comme désirable ; car, au surplus, il va de soi que le désirable éveille le désir. Mais, si le désir peut être provoqué par une fausse représentation du désirable, s’il n’est pas indispensable que ce soit l’intellect pratique qui représente quelque chose comme désirable, si l’opinion, qui est faillible, peut remplacer l’intellect, alors le désir n’est plus dépendant du rationnel. Ce n’est plus qu’en apparence qu’il relève de l’intellect ; en réalité il est son propre maître, et il peut commander à son tour, comme il arrive dans l’intempérance[2]. — C’est précisément dans cet intervalle entre le désir rationnel et le désir irrationnel que s’établit la contingence. On sait (cf. p. 167) avec quelle force et quelle logique Aristote en affirme l’existence au chapitre 9 de l’Hermêneia et ailleurs. Mais sa doctrine de la liberté n’est pas aussi nette que son affirmation de la contingence[3].

  1. De an. III, 10 le début du chapitre et 433 a, 26-30.
  2. Ibid. 9, 433 a, 1 à la fin du ch. : ἔτι καὶ ἐπιτάττοντος τοῦ νοῦ καὶ λεγούσης τῆς διανοίας φεύγειν τι ἢ διώκειν οὐ κινεῖται, ἀλλὰ κατὰ τὴν ἐπιθυμίαν πράττει, οἷον ὁ ἀκρατής… ἀλλὰ μὴν οὐδ’ ἡ ὄρεξις [i. e. ἡ ἄλογος ὄρεξις] ταύτης κυρία τῆς κινήσεως [du mouvement qui nous porte vers l’objet ou nous en éloigne]· οἱ γὰρ ἐγκρατεῖς ὀρεγόμενοι καὶ ἐπιθυμοῦντες οὐ πράττουσιν ὧν ἔχουσι τὴν ὄρεξιν, ἀλλ’ ἀκολουθοῦσι τῷ νῷ Cf. 11, 434 a, 12-14. Voir Rodier, op. cit., II, p. 535 sq., 555-561 et 212.
  3. Sur la contingence, en outre de Herm. 9, voir De gen. et Corr. II, 11, 337 b, 5-9. — Le nom du désir rationnel est, dans Aristote, βούλησις, De an. III, 10, 433 a, 23 (à la suite du texte cité p. précéd., n. 1) : ἡ γὰρ βούλησις ὄρεξις· ὅταν δὲ κατὰ τὸν λογισμὸν κινῆται, καὶ κατὰ βούλησιν κινεῖται. 9, 432 b, 5 : ἔν τε τῷ λογιστικῷ γὰρ ἡ βούλησις γίνεται, καὶ ἐν τῷ ἀλόγῳ ἡ ἐπιθυμία καὶ ὁ θυμός… Cf. Rodier, op. cit., p. 532, 542. — De la βούλησις se distingue la προαίρεσις, qui est la volonté proprement dite, bien qu’elles soient très voisines l’une de l’autre, Éth. Nic. III, 4 (2), 1111 b, 19 : ἀλλὰ μὴν οὐδὲ βούλησίς γε [sc. ἡ προαίρεσις], καίπερ σύνεγγυς φαινόμενον. VI, 2, 1139 a, 31 : πράξεως