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part, Alexandre[1] avait vivement combattu cette opinion, et, à son sentiment, Théophraste, en écrivant son Περὶ καταφάσεως καὶ ἀποφάσεως, devait avoir sous les yeux notre Hermêneia. Sans doute, comme le remarque Zeller, cette appréciation d’Alexandre n’équivaut pas à une citation de l’Hermêneia, relevée dans Théophraste. C’est néanmoins un fait considérable. Au reste, comme l’admet Zeller, l’ouvrage ne contient rien qui ne soit conforme à la doctrine d’Aristote. De plus si, comme on l’a pensé depuis Zeller, ce livre contient des allusions aux Mégariques dont nous aurons à parler (cf. p. 167, n. 2), ces allusions, qu’elles soient ou non tout à fait primitives, prouveraient que le livre est d’Aristote[2], ou tout au moins qu’il appartient à la première génération péripatéticienne.

Il faut ou on peut, comme on sait, distinguer, dans les Analytiques les Premiers et les Seconds, les uns et les autres en deux livres, les Premiers sur le syllogisme, les Seconds sur la démonstration. Le commentateur Adraste (d’Aphrodisias, entre Néron et Marc-Aurèle) connaissait,

  1. In pri. anal. 367, 12-14, éd. Wallies (Comm. gr., II, 1 : Schol. 183 b, 1).
  2. Zeller, p. 69, n. 1. La relation dont il s’agit entre l’Hermêneia et certaines théories des Mégariques a été mise en pleine lumière par Heinr. Maier dans une étude sur l’authenticité de cet ouvrage (Archiv f. Geschichte der Philos. XVII, 1899, 23-72 ; cf. surtout 28-35). Il a fait voir que les trois propositions dont se compose le célèbre argument de Diodore Cronos, « le triomphateur » (ὁ κυριεύων) sont toutes empruntées à Aristote, comme le prouve la ressemblance littérale des textes : que cet argument est l’écho ou même l’expression directe d’une réponse des Mégariques à l’attaque dirigée contre eux au début du ch. 3 de Métaph. Θ. On sait qu’Eubulide et son disciple Alexinus avaient soutenu contre Aristote de violentes polémiques, allant jusqu’aux personnalités les plus outrageantes et même les plus mensongères (cf. p. 6, n. 1). C’est donc à eux qu’il faudrait faire remonter, pour le fond du moins, le κυριεύων, si l’on ne préfère, ayant d’autre part des raisons pour regarder l’Hermêneia comme un des derniers ouvrages d’Aristote, en maintenir l’invention tout entière au compte de Diodore, lequel pouvait avoir (l’anecdote rapportée par Diog. La. II, 111 le fait mourir en 307) une trentaine d’années au moment de la mort d’Aristote. Une hypothèse est d’ailleurs encore possible : c’est qu’Aristote aurait remanié l’Hermêneia pour répondre à de nouvelles chicanes de ses adversaires.