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expliquer cette nécessité, ou aussi bien la matière, puisque c’est la même chose. La nécessité dont il s’agit, Aristote l’explique en en faisant une nécessité hypothétique, c’est-à-dire une nécessité qui n’existe que si le résultat du processus causal est tout d’abord posé. La nécessité des Physiologues n’est, vraiment, que l’envers de la nécessité. La santé nécessite l’équilibre du froid et du chaud, celui-ci nécessite la production de chaleur, celle-ci nécessite le mouvement qui la produit. La nécessité va à vrai dire du conséquent à l’antécédent, et non de l’antécédent au conséquent (Phys. II, 9 déb.). Il n’y a qu’un cas où l’on puisse parler d’une détermination nécessaire du conséquent par l’antécédent, attribuer à l’antécédent la nécessité absolument : c’est le cas où les phénomènes considérés forment un cycle : soit par exemple la production de la pluie par les nuages et des nuages par la pluie (De Gen. et corr., fin, 19e leçon, à la fin). Mais si, dans ce cas, la nécessité de l’ensemble rejaillit sur chacune des parties, on voit bien, par ce cas lui-même, que jamais les parties d’un devenir ne possèdent, comme parties, la nécessité et la vertu nécessitante ; car, dans un cycle, il n’y a ni commencement ni terme, et, par conséquent, il n’y a plus aucune partie qui ne soit qu’une partie : chacune est, à sa façon, le tout. Donc la nécessité vient toujours du terme de la causalité, et jamais de son origine. Dès lors nous comprenons la façon dont Aristote présente, en fin de compte, la causalité motrice ou efficiente. La phase de la réalisation s’atténue jusqu’à disparaître. Ce qui produit la santé, ce n’est pas le mouvement de l’opérateur, c’est en somme la santé : c’est la santé telle qu’elle est dans l’intellect du médecin, et, si dans le domaine, non plus de l’art mais de la nature, nous considérons un agent et un patient, nous voyons que l’action consiste en ce que l’agent qui est en possession de la forme informe le patient, soit en lui transmettant la forme, soit plutôt en éveillant chez lui la forme qui y sommeille à l’état virtuel[1].

  1. Métaph., loc. cit., 1032 b, 11 : ὥστε συμβαίνει τρόπον τινὰ ἐξ ὑγιείας τὴν ὑγίειαν γίγνεσθαι… De Gen. et corr. I, 7, surtout 321 a, 9-11. Cf. Zeller, p. 328, n. 1.