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énumération complète de tous les cas, on ne sait pas véritablement, de la façon à laquelle il réserve la qualification d’universelle[1]. Le véritable universel, c’est, dit-il, ce qui n’est pas seulement κατὰ παντός, mais encore καθ’ αὑτό[2]. D’autre part, Aristote pense certainement, comme l’a fait Alexandre, par exemple, dans le morceau de ses Ἀπορίαι καὶ λύσεις (I, 3) qui est intitulé : τίνων εἰσίν οἱ ὁρισμοί;, que les définitions portent sur un ensemble de caractères dont l’existence en plus ou moins d’exemplaires est assez indifférente (8, 12-17, éd. Bruns, 21, 6, éd. Spengel ; cf. infra, leçon XXI). — Mais il y a une contre-partie. D’abord, l’extension tend à être quelque chose de plus qu’un signe et un moyen de contrôle de la compréhension. Car il y a chez Aristote cette étrange notion du ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, c’est-à-dire de ce qui se reproduit avec une certaine fréquence, et ce commencement de constance suffit, sans autre raison, à faire de la chose qui en porte le caractère un opposé de l’accident[3]. Ensuite, ce qui est plus significatif encore, il n’y a pas selon Aristote de définition ou de concept du singulier : tous les prédicats qu’on peut attribuer à une chose singulière ont, ou au moins sont susceptibles d’avoir, de l’extension ; s’il y avait plus d’un soleil, le second soleil répéterait le premier ; donc le concept de soleil est un concept général[4]. Les caractères qui entrent dans les concepts sont

  1. Ibid. 5, 74 a, 30 : οὐ γὰρ ᾗ τρίγωνον οἶδεν, οὐδὲ πᾶν τρίγωνον, ἀλλ’ ἢ κατ’ ἀριθμόν· κατ’ εἶδος δ’ οὐ πᾶν. Il peut y avoir dans la connaissance totalité numérique résultant de l’énumération complète (εἰδέναι κατ’ ἀριθμόν), il n’y a pas connaissance d’un tout spécifiquement un (εἰδέναι κατ’ εἶδος).
  2. Ibid. 4, 73 b, 26 (suite du texte cité dans l’avant-dernière note) : καθόλου δὲ λέγω ὃ ἂν κατὰ παντός τε ὑπάρχῃ καὶ καθ’ αὑτὸ καὶ ᾗ αὐτό. φανερὸν ἄρα ὅτι ὅσα καθόλου, ἐξ ἀνάγκης ὑπάρχει τοῖς πράγμασιν. τὸ καθ’ αὑτὸ δὲ καὶ ᾗ αὐτὸ ταὐτόν…
  3. Voy. par ex. Métaph. Δ, 30 déb. ; cf. Zeller, p. 166, n. 1, pour d’autres références.
  4. Métaph. Ζ, 15, 1040 a, 33 : ἔτι ὅσα [on ne se trompe pas seulement en attribuant à ces substances éternelles uniques des caractères qu’elles pourraient perdre sans cesser d’être ce qu’elles sont, mais encore en ce que les caractères allégués sont tels que…] ἐπ’ ἄλλου ἐνδέχεται, οἷον ἐὰν ἕτερος γένηται τοιοῦτος, δῆλον ὅτι ἥλιος ἔσται· κοινὸς ἄρα ὁ λόγος. Cf. Bonitz, ad loc. et Zeller, p. 212, n. 4.