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Nous venons de voir ce qu’est le concept quand on le prend sous sa forme rigoureusement propre. Et c’est sous cet aspect qu’il fallait commencer par le considérer pour bien comprendre que, aux yeux d’Aristote, il y a entre lui et tout ce qui est opération discursive une distinction, non pas de degré, mais de nature. Car autrement nous aurions pu croire que le concept, selon Aristote, est quelque chose comme une discursion ramassée et unifiée. Or c’eût été là une manière de voir insuffisamment précise, à laquelle aurait échappé ce qu’il y a de vraiment propre dans le concept. — Mais, si le concept est, en lui-même et primitivement, une opération et presque une chose à part, dont l’unité n’est pas celle d’un rapport ou, autrement dit, d’une fonction, il est impossible cependant à toute doctrine de ne pas reconnaître, à côté de ce type essentiel et primitif, une autre sorte de concepts. Le concept, comme aperception absolument simple, peut bien rester l’idéal de tout concept : au-dessous de cet idéal, si l’on ne veut pas que presque toute la réalité échappe aux concepts, force est bien d’admettre des concepts moins radicalement distincts des opérations discursives, et dont la simplicité ne soit plus autre chose que celle d’un rapport et d’une fonction. — Nous allons tout à l’heure passer en revue ces concepts de second ordre. Avant de le faire, n’oublions pas de remarquer qu’Aristote a bien le sentiment de la parenté entre l’intuition et la discursion et qu’il a su assigner le point où elles passent, pour ainsi dire, l’une dans l’autre. Nous aurons prochainement à dire que la définition se compose du genre et de la différence ; peut-être ne faut-il pas prendre cette formule au pied de la lettre, au moins lorsque la définition s’applique à certains objets tout intelligibles : à parler exactement, le genre est dans certains cas, ainsi qu’un l’a fait remarquer, enveloppé dans la différence et ne fait qu’un elle[1]. Cependant, même lorsque la différence ne

    εἰ δ’ ἄνθρωπος τὸ λευκὸν ἢ μή, οὐκ ἀληθὲς ἀεί, οὕτως ἔχει ὅσα ἄνευ ὕλης. Métaph. Θ, 10, 1051 b, 23, 25 : ἀλλ’ ἔστι τὸ μὲν ἀληθὲς… θιγεῖν…, τὸ δ’ ἀγνοεῖν μὴ θιγγάνειν. Cf. infra leçon XXI.

  1. Rodier, op. cit., II, p. 475 s. in.