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tirant une élégante calèche. — Choc terrible des neuf bêtes. — Plusieurs paysans accourent ; en une demi-heure de travail l’ordre est rétabli. — La calèche croise la britchka et Tchitchikof reprend sa route, entièrement distrait de ses récentes terreurs. — Il fait des réflexions du genre le plus positif sur la ravissante jeune demoiselle qu’emportait la calèche et qu’il avait contemplée avec extase. — La raison chez lui l’emporte toutefois de beaucoup sur la poésie de ces angéliques et fortuites apparitions. — Il s’aperçoit qu’il est sur les terres de Sabakévitch. — Il arrive à la maison du maître. — Il est reçu par Sabakévitch et présenté à madame, comparse qui trône en reine, et, le plus souvent, se tait en esclave. — Tchitchiykof, pour entretenir inoffensivement la conversation, tente de louer ses illustres connaissances de la ville. — Autant sont nommées, autant sont mises en quartiers par l’homme dont la langue n’est pas moins terrible que les pieds. — On se met à table ; Sabakévitch, à propos des mets qu’il sert, fait un tableau très-fâcheux de la cuisine des autres. — Chez lui, il est vrai, tout est de première qualité et en surabondance. — Il vend à notre héros toutes ses âmes mortes de serfs mâles à deux francs soixante centimes, après en avoir demandé cent francs, puis cinquante, puis trente, et il propose les âmes mortes femelles, et, sur le refus de Tchitchikof, il dit : « C’est juste ; l’un aime le pope, l’autre aime la popesse. » — Les terres de Sabakévitch, le bourru accommodant, sont contiguës à celles d’un homme très-riche, nommé Pluchkine, chez qui Tchitchikof va se rendre, attiré par tout le mal qu’on dit du richard. — Éloge de l’idiome russe. 
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PLUCHKINE.
Tchitchikof entre sur les terres de Pluchkine. — Aspect général de misère, de ruine, de désolation. — Beauté sui generis de ce spectacle. — On reconnaît partout en lugubre la trace de l’opulence des anciens seigneurs de la localité. — Bâtiments de l’habitation seigneuriale. — Deux églises, l’une en bois, l’autre en pierre, également détériorées et mornes, semblent être là pour marquer, le centre de cette espèce de gigantesque nécropole. — Une télègue chargée et recouverte de nattes pénètre dans la cour domaniale. — Une figure équivoque vient faire querelle au charton. — Pluchkine. — Notre héros est introduit dans la maison. — Longue et dramatique conversation. — Mœurs et caractère de Pluchkine. — Tchitchikof achète environ deux cents âmes, tant en morts qu’en fugitifs, et il se hâte, joyeux, de regagner la ville. — Retour à l’auberge. — Pétrouchka prétend avoir aéré la chambre ; on ne s’en aperçoit point. — Tchitchikof jouit au reste d’un sommeil parfait : deux journées de grands et signalés travaux lui avaient bien mérité cela. 
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