Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5.djvu/538

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
534
SAINT CLÉMENT D’ALEXANDRIE.

tes parts et monté au faîte de la connaissance, le juste se révèle et que le visage de son âme s’illumine de la même gloire que celui de Moïse, propriété[1] qui, nous l’avons dit précédemment, caractérise l’âme du juste. De même que les couleurs de la teinture, en s’imprégnant dans la laine, l’affectent d’une certaine manière pour toujours, et la distinguent des autres laines, ainsi les traces du labeur moral disparaissent promptement de l’âme pour n’y laisser place qu’au bien et à la vertu ; d’un autre côté, la volupté qui accompagne une action honteuse passe, et l’ignominie s’imbibe. Telles sont les marques visibles attachées à l’une et à l’autre âmes, sceau de glorification pour celle du juste, de condamnation pour celle du méchant. Il n’en faut point douter. Une vie dont tous les moments étaient consacrés à la justice, et d’augustes familiarités avec le Dieu qui lui parlait face à face, répandaient sur le visage de Moïse une splendeur étincelante qui s’échappait en forme de gloire : de même, par suite de la contemplation, dans la pratique de la prophétie et des bonnes œuvres, je ne sais quelle divine puissance de bonté s’attache à l’âme du juste, et imprime sur sa figure comme un sceau brillant de justice, espèce de rayonnement intellectuel que je comparerais volontiers à la chaleur du soleil, lumière unie à l’âme par la charité indéfectible, qui lui vient de Dieu, et lui apporte quelque chose de Dieu. Ainsi devient semblable au Dieu sauveur le Gnostique véritable, qui s’est élevé, dans la mesure que comporte la faiblesse humaine, jusqu’à la perfection « du Père qui est dans les cieux. » C’est ce Père de miséricorde qui a dit : « Mes petits enfants, encore un peu de temps, et je suis avec vous. » La bonté que Dieu possède par nature n’est pas la raison pour laquelle il « demeure éternellement heureux et incorruptible, sans souci d’aucune affaire, sans susciter aucun embarras à qui que ce soit[2], » mais bienfaisant par une propriété de son essence ;

  1. Nous lisons idiôma, propriété, avec le docteur Lowth, au lieu de sôma, corps.
  2. Selon Diogène de Laërce, c’est là le premier principe d’Épicure : « L’être heureux et incorruptible ne se mêle d’aucune affaire et ne suscite aucun embarras à autrui. » Cicéron répète la même formule dans son Traité de la nature des dieux, livre I. Quod beatum et immortale est, id non habet, nec exhibet cuiquam negotium.